LA FRANCE PITTORESQUE
Lamanère, le point le plus au sud
de la France continentale
(Pyrénées-Orientales)
(Source : Ouest France)
Publié le jeudi 19 octobre 2017, par Redaction
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Si Lamanère et ses 40 habitants, dans les Pyrénées-Orientales, marquent le point le plus au sud de France continentale, c’est aussi le début d’un autre pays, la Catalogne
 

Il faut marcher deux heures et avaler 700 m de dénivelé pour arriver au totem, presque au sommet du puig (prononcer « putsch », le mot signifie « sommet » en catalan) de Comanegra qui marque le point le plus au sud de France. Au delà s’étend l’Espagne, mais surtout la Catalogne.

Plus qu’un territoire, un pays sans délimitation autre qu’administrative. « Pour nous, ce n’est pas le bout du bout, mais plutôt une liaison avec nos cousins catalans de l’autre côté. On gomme la frontière, elle n’existe pas », résume Pierrette Juanole-Démoulin. Ici, tout le monde parle catalan, et le commerce est plus facile avec les Espagnols qu’avec les Français. Pour Patrick, éleveur, « on était européens avant tout le monde, car on a toujours échangé avec l’autre côté ».

Plomb et espadrilles
L’histoire du village a des racines dans l’industrie. « Il y avait des mines de plomb argentifère exploitées de 1894 à 1934. Le filon date du XVIIe siècle », rappelle Yves Farren, ancien adjoint et mémoire du village. Le nom du bourg y fait référence puisque Lamanère veut dire en catalan « là où il y a une mine » (la menera), et se serait francisé à la Révolution de 1789. Terre d’éleveurs et de paysans, la commune a compté jusqu’à 816 habitants en 1851.

Lamanère (Pyrénées-Orientales)

Lamanère (Pyrénées-Orientales)

Sur ses coteaux dorénavant boisés et propices à la chasse au sanglier, on cultivait alors des légumes. Ensuite, on y a planté des châtaigniers pour fabriquer des tonneaux. L’autre versant de l’activité passée du village, c’est l’espadrille. « Jean Coste ouvre la première fabrique en 1892, et sa femme tient l’épicerie du village. Les achats des ouvriers sont déduits de leur paie, et le reste leur est versé à la fin du mois. Autant dire qu’il ne reste quasi-rien. » De cette exploitation naîtra l’Union Ouvrière formée par des ouvriers mécontents qui feront aussi de l’espadrille, jusqu’en 1989. En 1990, on compte 37 habitants dans le village. Le score le plus bas, et la fin d’un monde.

Identité catalane
Cette histoire de village le plus au sud vient d’Yves Farren : « J’avais regardé les cartes, Lamanère était le plus au sud, et j’ai aussi contacté Bray-Dunes dans les années 1980, car ils étaient les plus au nord. Un jumelage a été évoqué, mais le coût était trop lourd. » Il y a bien eu une sympathique rivalité avec Coustouges, village voisin, pour savoir qui était le plus méridional. L’institut géographique national a tranché. Le puig de Coma Negra et ses 1 500 m d’altitude gagnent.

Le totem y représente les Pyrénées et, évidemment, la Catalogne. Dans le village, où sont arrivés plus de 4 000 réfugiés fuyant le régime de Franco pendant la Retirada en 1939, parler de repli sur soi et de nationalisme n’a pas de sens. « Nous avons tous une branche de l’autre côté de la montagne. La Catalogne, c’est notre culture et notre façon de le montrer, c’est le drapeau. On ne veut pas pour autant devenir indépendants, mais plutôt réfléchir à une Europe identitaire, des cultures et des régions », résume la maire Agnès Parayre.

De nouveaux habitants, plus urbains, arrivent régulièrement. La population fait plus que doubler en été. Cette année, trois enfants du village étaient scolarisés à Serralongue. Peut-être un signe de nouveau départ.

Stéphane Dubromel
Ouest France

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