LA FRANCE PITTORESQUE
20 mai 1722 : mort du médecin
et botaniste Sébastien Vaillant
(D’après « Biographie universelle ancienne
et moderne » (Tome 47), paru en 1827
et « Nouveau cours de dictées, divisé en quatre parties
et mis en rapport avec le Cours de langue française » édition de 1872)
Publié le samedi 20 mai 2023, par Redaction
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Manifestant dès l’âge de cinq ans une passion extrême pour la connaissance des plantes, qu’il ramasse et transporte pour les cultiver dans le jardin de son père, Vaillant devient bientôt chirurgien et obtient la direction du jardin royal grâce à l’appui de Fagon, premier médecin de Louis XIV
 

Membre de l’Académie des sciences et démonstrateur des plantes au jardin royal à Paris, Sébastien Vaillant naquit le 26 mai 1669 à Vigny, près de Pontoise. Dès ses premières années, sa jeune intelligence se livra tout entière aux observations qui firent la gloire de sa vie. Quels que fussent les obstacles, quel que fût le temps ou le lieu, Vaillant s’adonnait avec une joie fébrile à la contemplation des merveilleuses beautés qu’offrent pour un esprit attentif la plupart des végétaux.

Tout instant de relâche, tout repos dont pouvait jouir l’enfant était consacré à l’acquisition de quelque plante nouvelle. Ni champ, ni bois, ni colline, ni vallon, ne demeuraient inexplorés. Quelle que fût la saison, dès que Vaillant en trouvait l’occasion, il s’échappait de la demeure paternelle et s’en allait à travers champs à la recherche des plantes sauvages.

Sébastien Vaillant. Dessin d'Ambroise Tardieu d'après la peinture de Jacobus Houbraken (1698-1780)

Sébastien Vaillant. Dessin d’Ambroise Tardieu d’après la peinture
de Jacobus Houbraken (1698-1780)

Il n’était point difficile quant au choix. La rose du chien ou l’herbe de la prairie le charmait à un égal degré. Les ronces, les épines, les chardons, les fougères, les mousses même étaient les trophées que ce naturaliste sans le savoir rapportait de ses expéditions. Il ne se bornait pas à détacher quelques rameaux, il arrachait la plante entière pour venir la replanter dans le modeste jardin de son père.

Il fallut bientôt que ce dernier, quelle que fût d’ailleurs sa condescendance envers son héritier présomptif, imposât des limites aux cultures par trop envahissantes de l’enfant. Un carré lui fut assigné pour ses plantations, et, tout avide qu’il était d’arrondir son domaine, il dut se résigner au coin de terre que lui avait concédé la munificence paternelle ; notez que notre agriculteur n’avait alors que cinq ou six ans.

Un jour, il fut signifié à l’enfant qu’il devait désormais fréquenter l’école des frères. Quelque vives que fussent ses protestations, il dut se résigner à obéir. Dès lors, son existence devient tout autre. Adieu les délicieuses promenades à travers les bois et les plaines, adieu les plantes et les insectes bourdonnants ! La lecture ou le calcul occupent une partie du temps de l’écolier, l’écriture ou le catéchisme absorbent le reste.

D’abord Sébastien se montra rétif aux exigences de ses maîtres, quelque raisonnables qu’elles fussent. Il négligea ses leçons pour courir les champs ; il fut puni. Il résolut de ne plus l’être : il prit un énorme soufflet tout garni de gros clous de cuivre et en fit son oreiller à l’insu de toutes les personnes de sa famille. La dureté de ce corps ou l’incommodité de sa forme gène à tel point le sommeil de notre héros, qu’il ne dort plus que d’un oeil et qu’il est sur pied dès la première aube.

Ces heures dérobées au sommeil, Sébastien Vaillant les consacre tout entières au catéchisme et aux autres leçons ; mais aussi il lui devient possible de se livrer, dans l’intervalle des classes, à ses occupations favorites. En même temps, ses progrès étonnent ses instituteurs. Pour le récompenser de son application, on lui fait étudier la musique. Quelles que soient les difficultés de cet art, il les surmonte et devient un très habile organiste à l’âge de 11 ans. Cependant le pauvre enfant porte les marques de ses efforts presque surhumains ; le frottement du soufflet contre sa nuque détermine une irritation qui, tout inappréciable qu’elle est d’abord, occasionne la formation d’une loupe qu’il conservera toute sa vie.

Des bénédictins de Pontoise, il passa à l’église des religieuses de la même ville. Dans ses heures de loisir, il allait à l’hôpital pour assister au pansement des malades. Il se lia avec les chirurgiens de la maison, se procura des livres d’anatomie et de chirurgie ; et enfin, d’organiste, Vaillant devint aide-chirurgien de cet hôpital. Il alla, en 1688, âgé de 19 ans, exercer la chirurgie à Évreux, puis à l’armée, et se trouva à la bataille de Fleurus 1er juillet 1690).

En 1691, il vint à Paris, où les leçons de Tournefort réveillèrent son goût pour la botanique. Tout son temps fut partagé entre la profession de son état, le jardin du roi, l’amphithéâtre, les écoles de chimie et d’anatomie. Tournefort le distingua bientôt parmi ses autres écoliers, et sut l’employer utilement pour son Histoire des plantes des environs de Paris. Fagon, premier médecin de Louis IV, frap pé de l’ordre et de la propreté avec lesquels Vaillant disposait les mousses dans son herbier, le prit pour secrétaire, et lui ouvrit un libre accès dans tous les jardins du roi.

Il lui donna depuis la direction du jardin royal, que le nouveau directeur enrichit d’un très grand nombre de plantes curieuses. Il lui résigna ensuite ses emplois de professeur et de sous-démonstrateur des plantes de ce jardin : Tournefort avait demandé cette place avec instance. Vaillant, qui eut la préférence sur son maître, justifia cette confiance par les soins qu’il donnait à l’instruction de ses élèves.

Louis XIV ayant ordonné que l’on construisît un amphithéâtre et un cabinet de pharmacie au jardin royal, Vaillant fut chargé d’acheter les substances, dans les trois règnes, et de les disposer dans l’ordre où on les voit encore aujourd’hui. La conservation de ce cabinet lui fut confiée, et il eut occasion de le montrer à Pierre le Grand, à d’autres personnages distingués et aux savants qui venaient le visiter.

Ce fut sur ses représentations et sur les instances de Fagon que le roi fit construire, en 1714, une. serre avec des poêles, pour y élever les plantes des pays chauds. Ce premier établissement étant insuffisant, sur de nouvelles prières on établit en 1717 une seconde serre, dont Fagon fit les avances. En 1716, Vaillant était entré à l’Académie des sciences sans avoir sollicité cette distinction que ses amis eurent peine à lui faire accepter.

Les leçons de botanique qu’il donnait au jardin royal étaient suivies par un concours extraordinaire d’élèves. Du Verney, le premier anatomiste de son siècle, des botanistes et des savants du premier rang y assistaient. Malgré ses occupations, Vaillant avait trouvé des moments pour aller plusieurs fois visiter les côtes de la Normandie et de la Bretagne, afin d’y recueillir des plantes, des fossiles et autres objets relatifs à l’histoire naturelle. Par une distinction honorable, il avait la permission de visiter les endroits les plus écartés des jardins du roi, dans lesquels aucun botaniste n’avait accès. Fagon l’avait chargé de la correspondance avec les différentes contrées de la Terre, desquelles il tirait des semences et des productions naturelles pour le jardin royal.

Ayant approfondi la science des plantes, il crut qu’il était temps de travailler à la publication de sa méthode. Celle ne Tournefort ne le satisfaisait plus : selon lui, elle n’indiquait point avec précision les signes distinctifs des classes, des genres et des espèces. Ayant deviné le système que Linné développa depuis si heureusement, il donna quelques exemples de sa méthode dans le discours qu’il prononça le 10 juin 1717, et dans les Mémoires lus à différentes séances de l’Académie.

Il avait également jeté les fondements de sa nouvelle doctrine dans ses Observations sur les Intitutiones de Tournefort ; mais la mort vint l’arrêter dans ses glorieux projets. L’honneur de développer un système qui fit faire de si grands progrès à la botanique était réservé à un savant étranger. La santé de Vaillant, si forte, s’était affaiblie par les excès du travail. Sentant approcher sa fin, il s’affligeait en voyant qu’il ne pourrait point donner la dernière main à ce Botanicon Parisiense auquel il travaillait depuis 36 ans.

Le 15 mai 1721, il fit écrire à Boerhaave, pour le prier de vouloir bien avoir soin de son manuscrit ; ce qui fut facilement accordé. Le savant hollandais apprit qu’Aubriet, peintre du cabinet du roi, avait, sous les yeux de Vaillant, dessiné trois cents figures appartenant à l’ouvrage, et qu’elles se trouvaient encore entre les mains du dessinateur, Vaillant n’ayant pu en acquitter le prix ; Boerhaave les acheta. Les dessins et les manuscrits lui furent remis ; alors Vaillant, tranquillisé sur ces objets de ses affections terrestres, défendit qu’on lui parlât de botanique, et ne voulut plus s’occupr que de Dieu et de son âme.

À sa mort, arrivée le 22 mai 1722, il laissa un herbier, le plus beau et le plus parfait qu’il y eût alors, celui de Fagon lui ayant été joint. Louis XV fit acheter de sa veuve son cabinet d’histoire naturelle, lequel devint un des ornements du jardin royal. Vaillant mourut pauvre, ayant méprisé les richesses, et n’ayant vécu que pour la science. Fagon, son protecteur, qui avait subi l’opération de la taille dans un âge avancé, voulut témoigner à Vaillant sa reconnaissance pour les soins qu’il lui avait prodigués pendant sa maladie, en lui cédant les droits que, comme premier médecin du roi, il avait sur les eaux minérales du royaume. Vaillant refusa ce don, que les plus vives instances ne purent lui faire accepter.

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