LA FRANCE PITTORESQUE
1er novembre 1179 : sacre de
Philippe Auguste
(D’après « Histoire générale de France depuis les temps les
plus reculés jusqu’à nos jours » par Abel Hugo (Tome 3), paru en 1839)
Publié le vendredi 1er novembre 2024, par Redaction
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Initialement fixée le jour de l’Assomption 1179, la cérémonie du sacre fut reportée à la Toussaint suivante, en raison d’une mésaventure survenue au jeune Philippe dans la forêt de Compiègne, qui lui valut quelques frayeurs...
 

Dans sa Vie de Philippe Auguste, Rigord, le moine de Saint-Denis, médecin et historien qui le premier donna au roi de France Philippe II le surnom d’Auguste, écrit :

« L’an 1179 de l’Incarnation du Seigneur, Louis [le roi Louis VII alors régnant, qui mourra le 18 septembre 1180], roi très chrétien des Français, déjà presque septuagénaire, réfléchissant à la courte durée de la vie humaine, et sentant sa santé affaiblie par les atteintes d’une paralysie, convoqua à Paris une assemblée générale des archevêques, évêques, abbés et barons de tout le royaume des Français, dans le palais du vénérable Maurice, évêque de Paris.

« Quand tous y furent réunis, Louis entra d’abord dans une chapelle (car il ne commençait jamais rien sans s’y être ainsi préparé) ; et là, après avoir fait sa prière au Seigneur, il fit appeler tour à tour les archevêques , les évoques, les abbés et tous les grands du royaume pour leur communiquer son projet. Il leur déclara qu’il voulait, sauf leur avis et leur volonté, faire élever au trône des Français, son fils bien-aimé, Philippe Dieudonné, et qu’il désirait que celte cérémonie eût lieu au premier jour de l’Assomption de la bienheureuse vierge Marie. Les prélats et les grands n’eurent pas plutôt entendu la volonté du roi, qu’ils s’écrièrent d’une voix unanime : Soit, soit ! et l’assemblée fut ainsi close. »

Enluminure extraite des Grandes Chroniques de France, par Jean Fouquet (vers 1460)

Enluminure extraite des Grandes Chroniques de France, par Jean Fouquet (vers 1460)

Le sacre du jeune Philippe n’eut cependant pas lieu à l’époque fixée, une aventure assez singulière le faisant différer de quelques mois.

« Aux approches de la fête de la très sainte Vierge Marie, dit Rigord, le roi très chrétien vint donc à Karnopolis (Compiègne), avec son fils bien-aimé ; mais Dieu voulut que tout se passât autrement que Louis ne l’avait espéré. Pendant le séjour qu’il fit en cette ville, l’illustre Philippe obtint de son père la permission de chasser dans le bois avec les vеneurs du roi. A peine y était-il entré qu’un sanglier se présenta. A cette vue, les veneurs lâchent les chiens et se mettent à la poursuite de la bête à travers les détours de la forêt, et de cette vaste solitude ; ils donnent du cor et se dispersent dans les différentes battues du bois.

« Cependant Philippe, monté sur un cheval plein de feu, fut emporté loin des autres, et longtemps il poursuivit le sanglier, avec la plus grande vitesse, par un sentier écarté. Enfin, au déclin du jour, il jeta les yeux derrière lui et s’aperçut qu’il n’avait point de veneurs à sa suite. Se voyant donc resté seul dans cette vaste solitude de forêt, il comment à concevoir de justes craintes ; il erra quelque temps seul, au gré de son cheval.

« Enfin ses alarmes croissaient ; il avait beau porter partout les yeux, il ne voyait personne ; il se mit donc à pousser des gémissements et des soupirs, et imprimant sur son front le signe de la sainte croix, il se recommanda très dévotement à Dieu, à la bienheureuse Vierge Marie et au bienheureux Denis, patron et défenseur des rois de France. A la fin de sa prière, il regarda à droite, et tout à coup il vit près de lui un paysan qui soufflait sur des charbons ardents. Sa taille était haute, son aspect horrible, son visage hideux et noirci par le charbon ; il tenait une grande hache sur son cou. D’abord, à cette vue, Philippe trembla comme un enfant ; mais bientôt, surmontant ses premières frayeurs, il s’approcha de cet homme et le salua avec bienveillance ; il lui expliqua qui il était, d’où il venait, comment il se trouvait là, et le paysan, reconnaissant la personne de son seigneur, abandonna sur-le-champ son travail et ramena le prince en toute hâte à Karnapolis par un chemin abrégé.

« A la suite des frayeurs dont il avait été saisi, Philippe Dieudonné tomba dangereusement malade, et cet accident fit différer son couronnement jusqu’à la Toussaint suivante.

« Enfin, le jour de la Toussaint 1179, les archevêques, les évêques et tous les barons étant réunis à Reims, Philippe fut couronné par le respectable Guillaume, archevêque de Reims, prêtre-cardinal du titre de Sainte-Sabine, légat du siège apostolique et oncle du roi Louis. Henri, roi d’Angleterre, tenait humblement un côté de la couronne sur la tête du roi de France en signe de la soumission qu’il lui devait ; tous les archevêques, les évêques et les autres grands de l’empire, tout le clergé et le peuple criaient : vive le roi ! vive le roi ! Philippe avait eu quatorze ans accomplis le jour de la fête de Timothée et de Symphorien, et il commençait à entrer dans sa quinzième année. » Louis VII étant trop malade pour se soutenir et marcher, il n’assista pas à la cérémonie.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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