LA FRANCE PITTORESQUE
Alexandre Ier
(né en ? – mort le 3 mai 115)
Élu pape en 109
(« Histoire des souverains pontifes romains » (Tome 1)
par A. de Montor paru en 1846,
« Résumé de l’histoire des papes » par A. Bouvet de Cressé, paru en 1826
et « Le Vatican ou Portraits historiques des papes » paru en 1825)
Publié le mercredi 10 août 2016, par Redaction
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On dit que ce pontife, successeur d’Évariste, fit ses études sous la direction et avec les conseils de Pline le Jeune et de Plutarque. On a attribué à ce pontife deux décrets et trois lettres décrétales, la première adressée à tous les orthodoxes, la seconde à tous les évêques, la troisième à tous les prêtres. Il a été reconnu, par les critiques modernes, que ces pièces sont apocryphes. On n’y trouve aucune trace du système de composition des deux écrivains que nous venons de nommer. Novaes croit à la supposition qui veut que Pline le Jeune ait été lié avec saint Alexandre. Quant à Plutarque, il avoue lui-même que, pendant ses voyages en Italie, il ne put trouver le temps d’apprendre assez à fond la langue latine, à cause des affaires publiques dont il était chargé, et des conférences qu’il avait avec les hommes instruits qui venaient le consulter et l’entendre.

Ainsi, ce ne fut pas probablement des leçons de littérature latine que Plutarque put donner à Alexandre ; mais le peintre de la vertu des Grecs, et l’immortel conservateur de leur gloire, qui était né en 66, dans la petite ville de Chéronée, en Béotie, a pu instruire ce chrétien dans l’art de méditer sur la littérature grecque, qu’un pontife ne pouvait négliger, puisqu’il entretenait nécessairement des correspondances avec tant de villes illustres, où l’on parlait la langue d’Homère et d’Hérodote.

Pape Alexandre Ier (109 - 115)

Pape Alexandre Ier (en 109)

Il est malheureux qu’il ne reste pas de saint Alexandre Ier quelque lettre, quelque passage de document qui aurait pu renfermer l’expression d’un sentiment de gratitude pour de tels maîtres. Cette opinion, quelle qu’elle fût, pourrait nous amener à connaître divers sentiments de Plutarque et de Pline sur la grande question de religion qui divisait alors les païens.

La lettre que Pline écrivit en faveur des chrétiens est justement fameuse, et dépose parfois de sa tolérance éclairée. Les vertus de cet ami de Trajan, de cet ami fidèle et courageux, qui était alors proconsul et gouverneur de Bithynie, engagèrent, dit-on, quelques-uns des hardis propagateurs du christianisme à le compter parmi les leurs, et à lui donner une place dans leurs diptyques. Malheureusement ces partisans de Plinius secundus le confondaient avec un autre secundus, vrai chrétien, dont le nom y était inscrit à juste titre.

Nous croyons devoir rapporter ici le plaidoyer de Pline le Jeune en faveur des chrétiens, adressé à l’empereur Trajan (28 janvier 98 - 9 août 117), montrant qu’il avait le désir d’exciter la clémence du prince tout en se montrant plus que sévère, puisqu’il envoya au supplice quelques-uns de ceux qu’on lui dénonçait comme confessant le Christ : « Je me fais un devoir, seigneur, de vous exposer tous mes doutes : car qui peut mieux me déterminer ou m’instruire ? Je n’ai jamais assisté à l’instruction et au jugement du procès d’aucun chrétien : ainsi, je ne sais sur quoi tombe l’information que l’on fait contre eux, ni jusqu’où l’on doit porter leur punition. J’hésite beaucoup sur la différence des âges : faut-il assujettir les chrétiens à la peine, sans distinguer les plus jeunes des plus âgés ? Doit-on pardonner à celui qui se repent, ou est-il inutile de renoncer au christianisme , quand une fois on l’a embrassé ? Est-ce le nom seul que l’on punit en eux, ou sont-ce les crimes attachés à ce nom ?

« Cependant voici la règle que j’ai suivie dans les accusations intentées devant moi contre les chrétiens. Ceux qui l’ont avoué, je les ai interrogés une seconde et une troisième fois, et je les ai menacés du supplice. Quand ils ont persisté, j’ai ordonné qu’on les y conduisît ; car, de quelque nature que fût ce qu’ils confessaient, j’ai cru que l’on ne pouvait manquer à punir en eux leur désobéissance et leur inflexible obstination. Il y en a eu d’autres, quoique dans la même folie, que j’ai réservés pour être envoyés à Rome, parce qu’ils sont citoyens romains.

« Dans la suite, ce crime venant à se répandre, comme il arrive ordinairement, il s’en est présenté de plusieurs espèces. On m’a remis entre les mains un mémoire, sans nom d’auteur, où l’on accuse d’être chrétiens plusieurs qui nient de l’être ou de l’avoir jamais été. Ils ont, en ma présence et dans les termes que je leur prescrivais, invoqué les dieux et offert de l’encens et du vin à votre image, que j’avais fait apporter exprès avec les statues de nos divinités. Ils se sont même emportés en imprécations contre Christ. C’est à quoi, dit-on, on ne peut jamais forcer ceux qui sont véritablement chrétiens. J’ai donc cru qu’il fallait les absoudre.

« D’autres, déférés par un dénonciateur, ont d’abord reconnu qu’ils étaient chrétiens, et aussitôt après ils l’ont nié, déclarant que véritablement ils l’avaient été, mais qu’ils avaient cessé de l’être, les uns il y avait plus de trois ans, les autres depuis un plus grand nombre d’années, et quelques-uns depuis plus de vingt : tous ont vénéré votre image et le simulacre des dieux. Ceux-là aussi ont maudit Christ. Ils assuraient que toute leur erreur ou leur faute avait été renfermée dans ces points : qu’à un jour marqué ils s’assemblaient avant le lever du soleil, et chantaient tour à tour des vers à la louange de Christ, comme étant dieu ; qu’ils s’engageaient par serment, non à quelque crime mais à ne point commettre de larcin, de vol ni d’adultère ; à ne pas manquer à leur promesse, à ne point nier on dépôt : qu’après cela, ils avaient coutume de se séparer, et ensuite de se rassembler pour manger en commun des mets innocents ; qu’ils avaient cessé de le faire depuis mon édit, par lequel, suivant vos ordres, j’avais défendu toutes sortes d’assemblées. Cela m’a fait juger d’autant plus nécessaire d’arracher la vérité, par la force des tourments, à deux filles esclaves qu’ils disaient être dans le ministère de leur culte ; mais je n’y ai trouvé qu’une mauvaise superstition portée à l’excès ; et, par cette raison, j’ai tout suspendu pour vous demander vos ordres.

« L’affaire m’a paru digne de vos réflexions, par la multitude de ceux qui sont enveloppés dans ce péril ; car un très grand nombre de personnes de tout âge, de tout ordre, de tout sexe, sont et seront toujours impliquées dans celte accusation. Ce mal contagieux ne s’est pas seulement répandu dans les villes ; il a gagné les villages et les campagnes. Je crois cependant que l’on y peut remédier, et qu’il peut être arrêté. Ce qu’il y a de certain, c’est que les temples, qui étaient presque déserts, sont fréquentés, et que les sacrifices, longtemps négligés, recommencent. On vend partout des victimes qui trouvaient auparavant peu d’acheteurs ; de là on peut juger quelle quantité de personnes peuvent être ramenées de leur égarement, si l’on fait grâce au repentir. »

Trajan répondit en ces termes : « Vous avez, mon cher Secundus, suivi la voie que vous deviez suivre dans l’instruction du procès des chrétiens qui vous ont été déférés ; car il n’est pas possible d’établir une forme certaine et générale dans cette sorte d’affaire. Il ne faut pas ordonner de perquisition : s’ils sont accusés et convaincus, il faut les punir. Si pourtant l’accusé nie qu’il soit chrétien, et qu’il le prouve par sa conduite, je veux dire en invoquant les dieux, il faut pardonner à son repentir, de quelque soupçon qu’il ait été auparavant chargé. Au reste, dans nul genre d’accusation, il ne faut recevoir de dénonciations qui ne soient signées de personne ; car cela est d’un très mauvais exemple, et n’est pas de notre siècle. »

Fleury, après avoir rapporté cette lettre, ajoute judicieusement : « Cette réponse de l’empereur éteignit en quelque façon la persécution qui menaçait les chrétiens ; mais elle ne laissa pas de moindres prétextes à leurs ennemis pour leur faire du mal. Le peuple, en certains lieux, en d’autres, les magistrats, leur tendaient des pièges ; en sorte que, sans persécution déclarée en général, il y avait des persécutions particulières en chaque province. »

Saint Alexandre se distinguait par des talents exercés, et il était encore très jeune quand il parvint au pontificat. Les uns disent qu’il avait vingt ans, d’autres assurent qu’il en avait trente. A ce sujet, Novaes ajoute : « Alexandre était jeune d’années ; cependant, par ses mœurs, sa vertu, son savoir, il était vétéran. » Ce fut lui qui ordonna que les prêtres ne pussent célébrer qu’une messe par jour ; ce qui fut observé jusqu’à saint Déodat, pape en 615. Alexandre convertit à la foi Ermès, préfet de Rome, son épouse, et une foule de citoyens illustres. Ayant été incarcéré par suite de ces efforts glorieux, dans la prison il convertit le tribun Quirinus, et Balbine sa fille.

Alexandre, en trois ordinations, créa six évêques, six prêtres et deux ou trois diacres. Quelques anciens auteurs lui font honneur de l’institution de l’eau bénite avec du sel, celle du pain sans levain pour la consécration de l’eucharistie et le mélange d’eau avec le vin dans le calice, précise l’historien Sicard.

La persécution dans laquelle périt le pape saint Alexandre n’avait pas été expressément ordonnée par l’empereur ; mais les gouverneurs courtisans croyaient plaire, et souvent sans ordres, ou sur des ordres mal interprétés, ils faisaient conduire à la mort les adorateurs du Christ.

Alexandre a le nom de martyr dans le Sacramentaire de Grégoire le Grand, dans l’ancien Calendrier publié par le père Fronteau (Vérone, 1733), et dans tous les Martyrologes. Après plusieurs siècles, son corps fut transporté à Sainte-Sabine, sous le grand autel élevé par Sixte-Quint. Plusieurs villes de France, d’Italie et d’Allemagne se glorifient de conserver des reliques de ce saint. Novaes croit qu’elles ont obtenu des reliques de quelque autre saint de ce nom.

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