LA FRANCE PITTORESQUE
Justum ac tenacem propositi virum...
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Publié le jeudi 9 juin 2016, par Redaction
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L’homme juste et ferme en son dessein...
 

Commencement d’une ode d’Horace, célèbre à plusieurs titres. « Quand le monde brisé s’écroulerait, ses ruines accableraient sans l’émouvoir l’homme juste et ferme en son dessein. »

Un homme que les plus éminentes qualités ont recommandé à la postérité, Corneille de Witt, victime de la fureur des partis, fut, pour prix de ses longs services, livré aux tortures de la question et déchiré par les plus cruels tourments. On dit que dans cette situation, il récita à haute voix la belle strophe d’Horace : Justum ac tenacem...

Cette strophe célèbre offre un rapport frappant avec ce beau passage du Psalmiste : « Quand même le globe chancellerait et que les montagnes se précipiteraient vers la mer, nous ne craindrions point. » (Ps. XLV, verset 3)

Jean-Baptiste Rousseau a dit :

Et si la nature fragile
Était à ses derniers moments,
Nous la verrions d’un œil tranquille
S’écrouler dans ses fondements.

Voltaire a développé la même pensée :

Les torrents impétueux,
La mer qui gronde et s’élance,
La fureur et l’insolence
D’un peuple tumultueux,
Des fiers tyrans la vengeance,
N’ébranlent point la constance
D’un cœur ferme et vertueux.

« Calme, bon, sincère, travailleur infatigable et consciencieux, Bayle joignait à ces qualités les hautes vertus qui font le sage idéal : Justum ac tenacem. » (LANFREY)

« Est-il possible qu’à mon âge de soixante et quatorze ans, on puisse me soupçonner de faire des plaisanteries contre la religion dans laquelle je suis né ? On ne veut pas me laisser mourir en repos. J’espère cependant expirer tranquille, soit au pied des Alpes, soit au pied du Caucase, fortem et tenacem propositi virum. » (VOLTAIRE, Lettre à M. de Bordes)

« Voyons ! Vous exposez vos tableaux, vos statues en public, c’est pour qu’on les achète, d’accord ; mais c’est bien aussi un peu pour qu’on les juge. Convenez que, sans le porte-voix de la presse, vos noms seraient pour la plupart profondément inconnus. En échange de ce service, si mince qu’il soit, se borner à écrire des lettres anonymes, c’est une légère ingratitude. Cela dit, je poursuis ma tâche avec le calme de l’homme d’Horace : Justum ac tenacem. » (Louis JOURDAN)

« Voilà Horace, l’ami de Brutus, l’ami de Mécène ; l’homme qui jette son bouclier à Philippes, et qui chante la fermeté stoïque, le justum ac tenacem, entre les délices de Tibur et les complaisances de Rome. Un tel poète devait plaire à un tel moment. » (LAMARTINE, Discours de réception)

« Supporte et abstiens-toi. Supporte quand tu ne peux empêcher les maux de fondre sur ta tête, quand tu es aux prises avec des forces insurmontables. Et, dussent les rouages du monde t’étreindre et te broyer, sache souffrir en silence ; dût le ciel s’écrouler en éclats sur ta tête, reçois sans sourciller sa ruine et ses débris : Justum et tenacem... impavidum ferient ruinae. » (BAUTAIN)

« Si, dans une société, la moralité venait à disparaître par degrés, c’est dans l’âme du magistrat que l’on devrait en trouver les derniers vestiges ! Si le courage de la vertu croulait chez un peuple sous le règne du despotisme et de la terreur, il faudrait encore, à l’exemple de cet homme d’Horace, justum ac tenacem propositi virum, trouver le juge debout, le visage impassible au milieu de ces effrayants débris. » (LEPELLETIER, Du Système social)

« On raconte que le philosophe Condorcet, qui fuyait l’échafaud, s’arrêta un jour dans un cabaret de village. Le malheureux proscrit était vêtu comme un mendiant ; il demande du pain et du vin, et, en attendant ce maigre repas, il se met à lire. Voilà nos Brutus de cabaret qui s’inquiètent ; ils ont deviné qu’un philosophe est caché sous les haillons. Aussitôt on saisit Condorcet, on le jette dans la prison du lieu, et comme on lui avait arraché son Horace (pièce de conviction !), il s’empoisonne en oubliant le justum et tenacem. » (Jules JANIN)

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