LA FRANCE PITTORESQUE
Le métropolitain : merveille de
l’Exposition universelle de 1900
(Source : Le Point)
Publié le lundi 30 mai 2016, par Redaction
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La première ligne Maillot-Vincennes est inaugurée le 19 juillet 1900, discrètement, pour éviter une ruée des Parisiens
 

La construction du métro parisien est souvent associée à l’Exposition universelle de 1900. Ce n’est pas tout à fait exact. Celle-ci n’a fait qu’accélérer une décision qui aurait dû être prise depuis longtemps. Avant Paris, Londres et New York possédaient leur réseau depuis plusieurs décennies déjà. En fait, l’idée d’un transport sur rails dans Paris remonte à 1845 avec le projet Kérizounet envisageant de transporter jusqu’au cœur de Paris le fret arrivant par les gares de Lyon et du Nord. Les voitures, non motorisées, auraient glissé sur une voie en pente, et tirées par des câbles dans l’autre sens. On est encore très loin du métro.

Cependant, très vite, des précurseurs présentent des projets de transport de voyageurs, parfois complètement dingues, comme celui de voitures en forme de piston poussées par de l’air comprimé. Durant des décennies, deux camps s’affrontent : les partisans du tunnel et ceux de viaducs. Même Gustave Eiffel s’y colle avec un projet somptueux..., sauf qu’il oublie la desserte des gares parisiennes.

Vue panoramique de l'Exposition universelle de Paris en 1900

Vue panoramique de l’Exposition universelle de Paris en 1900

La perspective de l’Exposition universelle de 1900, mais aussi des premiers Jeux olympiques se déroulant dans le bois de Vincennes, précipite les choses. Le 20 avril 1896, le projet de Fulgence Bienvenüe et d’Edmond Huet qui prévoit six lignes (45 kilomètres) avec une option de trois supplémentaires est adopté. Ayant passé une convention avec la Compagnie de chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) du baron Empain, la Ville de Paris impose un gabarit de 2,40 m, inférieur à celui des chemins de fer. Pour deux raisons : empêcher que les grandes compagnies ferroviaires ne mettent la main sur le métro parisien ; et éviter qu’en temps de guerre, les trains ennemis ne puissent pénétrer dans le cœur de la capitale.

« Comme il fait bon ici ! C’est à y passer ses vacances !... »
Les travaux débutent le 4 octobre 1898 par la ligne 1, de porte Maillot à porte de Vincennes. Ils avancent rapidement. Pas moins de onze tunneliers rudimentaires sont utilisés, mais ils ne percent finalement que 2 500 mètres de tunnel. Les autres 8,5 km sont creusés classiquement par des galeries étayées ou creusées à ciel ouvert. Dix-huit mois plus tard, après quelques semaines de retard, le chemin de fer métropolitain est ouvert au public. L’inauguration porte Maillot est discrète, pour éviter un raz-de-marée humain.

Le public découvre des rames composées de trois voitures : une de première classe avec sièges rembourrés pour un tarif de 25 centimes par jour, une de seconde classe avec des bancs en bois pour un tarif de 15 centimes. La troisième voiture est mixte. Tous les accès sont dessinés par Hector Guimard dans le style « Art nouveau ».

Le lendemain de l’inauguration, Le Figaro publie l’article de son envoyé spécial Serge Basset. Ce dernier est d’abord impressionné par la fraîcheur des lieux alors que la canicule règne en surface. « Une si bonne fraîcheur, ici, accueille et repose les arrivants harassés par la chaleur du dehors qu’un même cri s’élève : Délicieux !... Comme il fait bon ici ! C’est à y passer ses vacances !... » Il poursuit, enchanté : « Quelques marches et nous voici dans la gare, simple et coquette. Une bibliothèque où l’on fait gratuitement le change, entre les journaux ; un bureau à grillage derrière lequel s’entrevoit, souriant, le minois accorte d’une jolie préposée aux billets, et c’est tout. » Le voici arrivé sur le quai : « Quelques voyageurs se penchent pour mieux voir. Un employé se précipite : « Prenez garde de tomber, sapristi ! »

Il y a du courant électrique sur les lignes. Les toucher, ce serait la mort ! Quand on parle de mort, on est sûr que les curieux reculent. Ils n’y manquent pas. Aussi bien, voilà le train sous la haute voûte — elle s’élève sur six ou sept mètres ! — en grès cérame embriqué, où la lueur des lampes électriques se brise en reflets irisés. »

« Deux hommes dans une cage de verre. L’un a la main sur le régulateur, l’autre veille au frein »

Basset apprécie le confort des rames : « Elles sont très bien les voitures du Métropolitain. Elles ont toutes de neuf à dix mètres de long sur trois mètres trente de hauteur. Chaque train en charrie trois, pour l’instant. La première porte en tête une sorte de cage en verre. Là, deux hommes : le chef de train et son second. L’un d’eux a la main sur le régulateur, et l’autre veille au frein. Les deux hommes rient, heureux de cette inauguration par M. Tout-le-Monde... »

« Pendant que nous roulons, à une vitesse d’abord modérée, puis peu à peu accélérée, l’employé — on l’a bien stylé, celui-là — y va de sa petite explication : La ligne, messieurs, commence en réalité de l’autre côté, à 10 mètres environ du chemin de fer de Vincennes... après avoir suivi le cours de Vincennes, traversé la place de la Nation, longé le boulevard Diderot et la rue de Lyon... — Ici, elle s’infléchit, oui, madame ! — elle reparaît au jour boulevard de la Bastille... mais ça ne dure pas. Boulevard Bourdon, elle repique une tête sous terre, décrit une courbe en S dans la rue Saint-Antoine, traverse de biais la place de la Concorde, pénètre de nouveau, par une courbe immense, dans l’avenue des Champs-Élysées, contourne la place de l’Étoile, et finit porte Maillot, à vingt mètres de la porte. »

Les premières semaines, seules six stations sont accessibles, puis les autres sont mises en service progressivement. Le mouvement est lancé. Les lignes se multiplient. Paris possède enfin son métropolitain.

Frédéric Lewino
Le Point

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