LA FRANCE PITTORESQUE
Habemus confitentem reum
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Publié le jeudi 5 mai 2016, par Redaction
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Nous avons un accusé qui avoue (CICÉRON, Exorde du Discours pour Ligarius)
 

Après le triomphe de César, un grand nombre des partisans de Pompée furent rappelés à Rome. Les frères de Ligarius conçurent l’espoir d’obtenir pour lui la même faveur. Mais, sa cause était bien différente : il avait été fait prisonnier en Afrique, peu de jours après la bataille de Thapsus.

Or, le dictateur, clément envers les citoyens qui avaient suivi Pompée et combattu à Pharsale, conservait un vif ressentiment contre ceux qui s’étaient attachés à Metellus Scipion, à Varus et à Juba, roi de Mauritanie, pour lui faire la guerre en Afrique. S’il leur avait laissé la vie, c’était en leur défendant de jamais reparaître à Rome. Cependant les sollicitallions des frères de Ligarius, auxquels s’étaient joints Cicéron et plusieurs sénateurs, n’avaient pas été sans effet, et ils commençaient à espérer, lorsque Tubéron, ennemi personnel de Ligarius, connaissant les vrais sentiments du dictateur, se fit publiquement l’accusateur de Ligarius, et, secrètement encouragé par César, porta l’affaire devant les tribunaux. Le dictateur se réserva le jugment. Cicéron détendit Ligarius. Vainement le juge s’était promis d’être inflexible : l’éloquence triompha d’un vainqueur irrité et lui arracha la grâce de l’ennemi le plus odieux.

Le discours de Cicéron, animé, rapide, inspiré, le plus pathétique et le plus entraînant peut-être que nous ait laissé l’Antiquité, passe pour un des plus beaux monuments de l’habileté et de l’adresse insinuante de l’orateur romain.

César se fait un plaisir d’écouter Cicéron ; depuis plusieurs années il n’a pas entendu le premier des orateurs du barreau ; mais il est en garde contre les séductions de l’éloquence. Il est sûr de sa haine ; la condamnation de Ligarius est signée, et les tablettes qu’il a dans ses mains contiennent l’arrêt de l’accusé. Cicéron sait que César, loin de lui donner l’attention d’un juge, ne l’écoute qu’avec la maligne curiosité d’un auditeur prévenu. Il entre tout d’abord en matière, et sans entreprendre ni de justifier Ligarius, ni de contester les faits, il avoue tout, il reconnaît Ligarius coupable ; il déclare qu’il n’attend rien de la justice, il ne compte que sur la clémence du juge. S’adressant dès le début à l’accusateur, il lui dit : Habes igitur, Tubero, quod est accusatori maxime optandum, confitentem reum (Ainsi, Tubéron, vous avez ce qui est le plus à désirer pour un accusateur, l’aveu de l’accusé).

« Vous croyez peut-être que j’invente ou que tout au moins je brode. Point du tout. Nous avons là-dessus le témoignage d’un récalcitrant d’alors, habemus confitentem reum. » (J. D’ORTIGUE, Les Débats)

« En entendant sortir de la bouche de M. Cousin cette étonnante assertion, que la philosophie est une science d’observation comme la physique, qu’elle est la même pour tous les peuples, qu’il n’y a point de philosophie française ou allemande, pas plus qu’il n’y a de physique ou de géométrie française ou allemande ; en entendant, dis-je, de pareilles hérésies, je m’écrierais volontiers : habemus confitentem reum ! Nous avons ici la preuve palpable que M. Cousin n’a jamais bien compris ni la nature ni le but de la philosophie. » (Pierre LEROUX, Réfutation de l’éclectisme)

« Habemus confitentem reum : l’Autriche veut que toute l’Allemagne s’oblige à soutenir le despotisme tudesque en Italie. Mais, malgré l’agitation factice causée de l’autre côté du Rhin par quelques esprits attardés de quarante ans, l’Allemagne ne se fera pas la complice de l’Autriche. » (H. LAMARCHE)

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