LA FRANCE PITTORESQUE
26 avril 1248 : consécration de la
Sainte-Chapelle de Paris
abritant la couronne d’épines du Christ
(D’après « Les épines de la Sainte Couronne
du Christ en France » (par Pierre Dor), paru en 2009)
Publié le dimanche 25 avril 2021, par Redaction
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En 1236, Baudouin II de Courtenay, empereur de Constantinople, sous la régence de son beau-père, Jean de Brienne (vers 1170 - 1237), se rend en Occident pour solliciter du pape Grégoire IX et des princes catholiques (dont saint Louis) des secours en hommes et en argent, la situation à Constantinople étant critique. Pendant son absence, Jean de Brienne meurt (le 23 mars 1237), et les barons de Constantinople, régents de l’empire, dans la nécessité d’emprunter de l’argent, donnent en gage la couronne d’épines, pour la somme de 13134 hyperpères d’or (ce qui correspondrait aujourd’hui à environ 4 millions d’euros), ainsi répartie : au podestat de Venise à Constantinople Albertino Morosini pour 4175, à l’abbesse de Perceul à Constantinople pour 4300, à deux nobles Vénitiens Nicolas Cornaro et Pierre Zanni pour 2200, et à plusieurs Génois pour 2459 (Recueil des historiens des Gaules et de France, 1865).

Pendant ce temps, Baudouin II, informé de la situation, propose à saint Louis d’acquérir la couronne d’épines. Le roi accepte aussitôt et envoie à Constantinople deux dominicains, Jacques et André de Longjumeau, pour dégager la couronne d’épines (André de Longjumeau avait été prieur du couvent dominicain de Constantinople, et avait donc eu l’occasion de vénérer la couronne d’épines) ; ils sont accompagnés par l’envoyé de Baudouin II, le chevalier Nicolas de Sorel, porteur des lettres de l’empereur aux barons de Constantinople.

La Sainte Couronne (couronne d'épines posée sur la tête du Christ avant sa crucifixion)
La Sainte Couronne (couronne d’épines posée sur la tête du Christ avant sa crucifixion)

Le délai que ces barons avaient pour s’acquitter de leur dette étant alors écoulé, ils obtiennent, le 4 septembre 1238, de Nicolas Quirino, patricien de Venise, la somme nécessaire pour le remboursement, et un nouveau délai de huit ou dix mois, passé lequel la relique, déposée dans l’église du Pantocrator (à Constantinople), deviendrait la propriété du prêteur. En décembre, les envoyés de saint Louis arrivent à Constantinople ; un acte demande à Nicolas Quirino de remettre la couronne d’épines aux trois envoyés contre paiement de la dette. Suivant les conventions, les ambassadeurs dominicains français partent, vers le 25 décembre 1238, pour accompagner la relique à Venise, où ils pourront seulement en prendre possession, une fois la somme remboursée.

La relique est donc transportée sur bateau en direction de Venise, en compagnie des barons français et de citoyens de Venise ; malgré le mauvais temps et les tentatives de l’empereur grec de Nicée (Vatace, ennemi de l’empire latin de Constantinople) pour s’en emparer, ils parviennent sans dommage à Venise, où ils la déposent dans le trésor de Saint-Marc. Laissant frère André à la garde du dépôt, Jacques de Longjumeau, accompagné des envoyés de l’empereur, se rend au plus vite à la cour de France, pour annoncer le résultat de sa mission et prendre l’argent nécessaire au remboursement de la dette. Le paiement du gage est effectué dans les jours suivants (tout au moins en partie, puisque les envoyés ne remettent que 10000 des 13134 hyperpères).

Les sceaux qui recouvrent la relique sont comparés à ceux dont sont scellées les lettres des barons de Constantinople et sont reconnus comme étant identiques. Entre janvier et mai 1239, saint Louis écrit à l’empereur Frédéric II pour lui demander passage et protection pour les porteurs de la relique. Cette lettre permet de voir que le transfert de la relique s’est fait par l’Italie du Nord et l’Allemagne. Le 23 février, les porteurs sont à Verceil (en Italie). Arrivés à Troyes, ils envoient des messagers au roi pour l’avertir de l’arrivée de la relique dans cette ville. Le roi part alors à leur rencontre, accompagné de sa mère, de ses frères Robert d’Artois, Alphonse de Poitiers et Charles d’Anjou, de l’archevêque de Sens Gautier Cornut de l’évêque du Puy Bernard de Montaigu, de barons et de chevaliers.

Le cortège royal rejoint la couronne, à Villeneuve-l’Archevêque, le 10 août. Après en avoir pris possession dans le vieux manoir de Maulny-le-Repos, on vérifie les sceaux qui scellent le coffre de bois apporté par les deux dominicains, on ouvre ce coffre, et on trouve à l’intérieur un coffret d’argent, revêtu des sceaux des barons de Constantinople ; les sceaux sont examinés et trouvés authentiques. On les brise, ainsi que ceux du doge de Venise (ajoutés pour plus de certitude) : apparaît alors une châsse d’or contenant la relique. On l’ouvre et la sainte couronne est montrée à tous les assistants. Après contemplation, les coffrets sont refermés et revêtus du sceau royal.

Le roi saint Louis recevant la Sainte Couronne, la Sainte Croix, la Sainte Lance et d'autres reliques. Enluminure extraite de la version révisée des Grandes Chroniques de France destinée au duc de Normandie (1332-1350) et futur roi de France (1350-1364) Jean II le Bon
Le roi saint Louis recevant la Sainte Couronne, la Sainte Croix, la Sainte Lance et d’autres reliques.
Enluminure extraite de la version révisée des Grandes Chroniques de France destinée
au duc de Normandie (1332-1350) et futur roi de France (1350-1364) Jean II le Bon

Le 11 août, la couronne est portée à Sens dans une procession solennelle. Le cortège s’arrête à l’entrée de la ville, et le roi saint Louis, nu-tête et nu-pieds, vêtu d’une simple cotte de laine blanche, prend la relique sur ses épaules, la portant sur une civière avec son frère aîné, Robert d’Artois. Derrière lui se trouvent ses deux frères, Alphonse et Charles. Le roi est précédé d’un cortège de barons et de chevaliers, nu-pieds également. A leur rencontre, viennent en procession les clercs de la cathédrale, revêtus d’ornements de soie, les moines et les autres religieux. Tous se dirigent vers Saint-Pierre-le-Vif puis à la cathédrale de Sens (alors métropolitaine de Paris), où elle est déposée.

Saint Louis chargera Gautier Cornut d’écrire le récit de la réception de la couronne à Sens, le 11 août, et de son départ pour Paris, ce qu’il fera en 1239 ou 1240 : c’est le De translatione Coronæ spineæ. De Sens à Paris, la couronne est transportée en bateau, sous la garde de Jacques de Longjumeau. Le bateau arrive à la hauteur du bois de Vincennes le 18. Le vendredi 19, la couronne est portée, de là, par le roi et par son frère Robert d’Artois, suivis d’un brillant cortège comprenant notamment la reine, la mère du roi, Alphonse de Toulouse, Charles d’Anjou, et Ingeburge, reine de Danemark et veuve de Philippe-Auguste. Le cortège, nu-pieds, auquel participent l’abbé de Saint-Denis avec ses religieux revêtus d’aubes et de chapes, fait une station à l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs (Paris), près de laquelle on dresse un échafaudage pour exposer la relique aux yeux du peuple de Paris accouru en foule.

La procession reprend ensuite à travers les portes de Paris, et se dirige vers Notre-Dame. De là, le cortège va à la chapelle du palais Saint-Nicolas (là où plus tard se dressera la Sainte-Chapelle). Selon les Comptes royaux concernant la susception de la sainte couronne, celle-ci est portée à Saint-Denis, le 3 octobre 1239, en attendant l’achèvement de la Sainte-Chapelle.

Gérard, moine de Saint-Quentin-en-l’Ile, relate dans la Translatio Sancte Corone Domini nostri Jhesu Christi a Constani napolitana urbe ad civitatem Parisiensem, écrit peu après 1242, le transfert à la Sainte-Chapelle de Paris, de la couronne d’épines et des autres reliques acquises par saint Louis auprès de l’empereur latin de Constantinople, Baudouin II. En juin 1247, ce dernier délivre une authentique pour la couronne d’épines et les autres reliques de la Passion transférées à Paris. Le 25 mars 1248, la couronne est conduite à la Sainte-Chapelle de Paris, alors achevée. La consécration de cette dernière a lieu le 26 avril suivant.

POUR EN SAVOIR PLUS...

Quelle est l’histoire de cette propagation des épines à travers l’Europe ? Pierre Dor s’est penché avec minutie sur la trace de ces épines et en reconstitue ici, à la manière d’une enquête historique et topographique, l’histoire de chacune d’elles, dans Les épines de la Sainte Couronne du Christ en France
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