Contre la personne
Dans l’argument personnel ou ad hominem, l’orateur emprunte à l’adversaire des armes pour le combattre ; il le confond en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes. Dans les assemblées politiques de tous les pays, il n’est pas rare de voir un homme changer d’opinion ; ses adversaires, pour combattre ses paroles du jour, lui rappellent son langage d’autrefois, l’opposent ainsi à lui-même, et le battent par un argument personnel, ad hominem.
Voici un exemple célèbre d’argument ad hominem : Cicéron plaidait la cause de Ligarius, accusé par Tubéron de s’être battu contre César en Afrique. « Mais, je le demande, s’écrie Cicéron, qui donc fait un crime à Ligarius d’avoir été en Afrique ? C’est un homme qui lui-même a voulu aller en Afrique, un homme qui a combattu contre César lui-même. En effet, Tubéron, que faisiez-vous, le fer à la main, dans les champs de Pharsale ? Quel sang vouliez-vous répandre ? Dans quel flanc vos armes voulaient-elles se plonger ? Contre qui s’emportait l’ardeur de votre courage ? Vos mains, vos yeux, quel ennemi poursuivaient-ils ? Que désiriez-vous ? Que souhaitiez-vous ? » Plutarque rapporte qu’à ces mots, César laissa tomber en frémissant les papiers qu il tenait à la main, et qui renfermaient l’acte de condamnation : l’éloquence avait triomphé, grâce à l’heureux emploi de l’argument ad hominem.
« Le pyrrhonisme est la chose du monde la plus commode ; vous pouvez impunément discuter contre tout venant, sans craindre ces arguments ad hominem qui font quelquefois tant de peine. » (H. BEYLE)
« L’argument ad hominem, le dernier auquel un homme poli doive avoir recours, peut se justifier par les circonstances, mais c’est un cas beaucoup plus rare quand il s’agit d’un argument ad foeminam (contre une femme). » (Walter SCOTT)
« Puisque vous avez eu la bonté de faire parvenir à M. le duc de Choiseul le Pauvre Diable, j’ose encore vous supplier de lui faire tenir la réponse à une nouvelle lettre de Palissot de Montenoy ; elle est un argument ad hominem et s’il ne fait pas ce que je lui demande, je pense qu’on peut alors rendre ma lettre publique. » (VOLTAIRE, Au comte d’Argental)
« C’eût été un argument ad hominem ; mais mon oncle Tobie ne jugea pas à propos d’en faire usage. Il n’était pas dans son caractère d’insulter personne. » (STERNE)
« Pourquoi de toutes les opinions de M. Andrieux, M. Thiers est-il allé choisir celle qui avait trait à des questions si claires ? Était-ce pour en tirer un argument ad hominem contre la littérature de l’école nouvelle ? C’est ce que l’on dit et ce que nous serions assez porté à croire. » (Granier DE CASSAGNAC)
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