LA FRANCE PITTORESQUE
Saga (L’extraordinaire) de la famille Vilmorin
(Source : Le Figaro)
Publié le mercredi 6 janvier 2016, par Redaction
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Il y a deux cents ans, la société Vilmorin-Andrieux & Cie s’installait à Verrières-le-Buisson, au sud de Paris. Le début d’une grande aventure qui a révolutionné l’univers des jardins, des forêts et des champs.
 

Vilmorin. Quel jardinier n’a pas tenu en mains un sachet de graines portant ce nom illustre ou feuilleté un vieux catalogue édité par la célèbre enseigne du quai de la Mégisserie ?

Grandes cultures, prairies, arbres de foresterie, fruitiers ou d’ornement, plantes florales ou potagères : en six générations, de 1746 à 1964, la dynastie Vilmorin a littéralement révolutionné l’agriculture et l’horticulture, en introduisant, aussi bien dans les champs que dans les jardins ou les forêts, des variétés améliorées et des semences d’une qualité inégalée, issues de ses parcelles d’expérimentation, de ses laboratoires, mais aussi de ses échanges multiples et fructueux avec le reste du monde.

Grainetier et botaniste du roi
En 1815, année où la France s’incline à Waterloo, Philippe-André de Vilmorin (1776-1862) songe d’abord à développer l’entreprise dont il a hérité onze ans plus tôt de son père Philippe-Victoire, lequel, en épousant la fille de Pierre d’Andrieux (1713-1781), grainetier et botaniste du roi, fut le fondateur de la dynastie.

Il se sent à l’étroit dans ce qui n’était alors que le village de Reuilly, à l’est de Paris. La graineterie familiale a besoin de place, notamment pour exploiter la fameuse collection de pommes de terre d’Antoine Parmentier, l’un des amis de son père. On a bien du mal à l’imaginer aujourd’hui, mais, il y a deux cents ans, Verrières-le-Buisson était encore une petite commune rurale entourée d’immenses champs de céréales s’étendant à perte de vue.

Affiche Vilmorin de 1960

Affiche Vilmorin de 1960

Un herbier de 56.000 planches
L’idée est lumineuse. Dans cette belle plaine d’Île-de-France, la maison Vilmorin-Andrieux et Cie va littéralement décoller. Conscients que leur activité ne peut se développer sans l’acquisition de nouveaux savoirs, les Vilmorin s’entourent des meilleurs savants, lancent leurs propres programmes scientifiques et créent sur le site de Verrières-le-Buisson des laboratoires de chimie et de génétique végétale (une première pour l’époque), mais aussi plusieurs arboretums, en comptant ceux de leurs propriétés des Barres (Loiret) et de Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes), où ils acclimateront des plantes ramenées du monde entier par des explorateurs, des botanistes et des missionnaires. Ils constitueront également, au fil du temps, un herbier de 56.000 planches, classé monument historique en 2006, auquel Christine Laurent, chargée de mission à la mairie de Paris, vient de consacrer un très bel ouvrage : L’Herbier Vilmorin. Deux siècles de passion pour les plantes comestibles et d’ornement.

« Cet esprit d’innovation, cette soif de découvertes seront les clés de leur succès », note Jean-Pierre d’Estienne d’Orves, membre de la Société nationale d’horticulture de France et petit-fils d’Élisabeth de Vilmorin (1870-1940), qui y voit « un message pour notre époque ». En soixante ans, les Vilmorin parviendront à doubler la teneur en sucre des betteraves (de 9 à 18 %), créeront le premier hybride de blé (1873) et finiront par rassembler une collection de plus de 2000 variétés de céréales. Ils introduiront un très grand nombre d’arbres exotiques, comme l’Incarvillea (1889), le Buddleia ou « arbre aux papillons », ramené de Chine par le père David (1893), le pyracantha ou buisson ardent (1895), le deutzia (1895) et tant d’autres, devenus si communs dans nos jardins. Les Vilmorin s’investissent également dans les plantes florales, participant à des expositions partout dans le monde et créant, au cours de la première moitié du XXe siècle, une remarquable collection d’iris.

Premier hybride de tomate
Dans le domaine des potagères, leur apport est considérable : « La plupart des variétés anciennes de légumes que l’on trouve encore dans le commerce ont été décrites ou créées par les Vilmorin », explique Jean-Daniel Arnaud, qui a fait toute sa carrière au Groupement national interprofessionnel des semences (Gnis), présidé dès sa création, en 1962, par... André de Vilmorin (1907-1987). C’est le cas notamment du premier hybride de tomate, la variété Fournaise, mise sur le marché en 1956 et toujours cultivée dans les jardins amateurs. Réputée pour son goût, elle apporte la preuve que qualité et progrès génétique ne sont pas forcément incompatibles.

En 1964, la saga s’interrompt brutalement avec la vente de la société qui , de fil en aiguille, tombe dans l’escarcelle de la puissante coopérative Limagrain, quatrième groupe semencier mondial.

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Marc Mennessier
Le Figaro

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