LA FRANCE PITTORESQUE
Eaux régionales (Quand les)
se relancent « grand cru »
(Source : France 3 Aquitaine)
Publié le lundi 26 octobre 2015, par Redaction
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Banquet « Années folles », jazz et canotiers : les Abatilles, une eau de source d’Arcachon en Gironde, vient de célébrer ses 90 ans, patrimoine et terroir en étendard, une stratégie de différenciation et de haut de gamme adoptée par d’autres eaux régionales ces dernières années pour se relancer.
 

C’est en cherchant du... pétrole qu’un ingénieur tomba en 1923 à Arcachon sur une source à 472 m de profondeur. Une eau à 25°C, que l’analyse révéla pure, thermale et peu minéralisée, après les interminables filtrages (sables, argiles, grès, calcaires) à cette profondeur, unique pour une eau de source en France.

Si la Source des Abatilles connut un faste thermal (de 1925, fondation de la société thermale, à 1964), puis une ère d’industrialisation (sous les groupes Vittel puis Nestlé jusqu’en 2008), elle voit désormais son avenir « grand cru ». C’est le concept que la source affiche depuis son rachat en 2013 par un duo venu du vin : Hervé Maudet, négociant, et Jean Merlaut, propriétaire viticole, convaincus du potentiel de l’eau de source.

« Il y a 50 ans dans le Médoc, là où il y a aujourd’hui des premiers crus classés, on extrayait de la grave (ndlr : granulat fluvial, prisé pour la viticulture). On ne se rend pas toujours compte des valeurs de notre sol... », sourit Jean Merlaut.

Constat similaire pour Renaud Dutreil, qui a racheté en 2014 en Charente voisine la source Jolival, en redressement judiciaire. L’ancien ministre aux PME, qui a quitté la politique et dirigé aux Etats-Unis la branche américaine de LVMH (Louis-Vuitton-Moët-Hennessy), est convaincu de l’avenir de l’eau sur le marché du luxe : « L’eau française de grande qualité va devenir un produit rare, recherché dans le monde », affirme-t-il.

« Or blanc », oui mais
La consommation d’eau de source progresse régulièrement, +1% à +3% ces dernières années, selon le Syndicat des Eaux de source. Mais dans un marché d’eau plate dominé par le géant Cristalline (regroupant 20 sources distinctes), devant Evian et Vittel, les eaux locales visent ouvertement l’export. Un passage obligé, souligne Jacques Tréherne, président du Syndicat (39 membres). « Car si on ne vend pas 100 millions de bouteilles par an, on ne rentabilise pas sa source. Souvent des communes qui ont une source me contactent, veulent lancer leur eau, imaginent le pactole. On a tant parlé d’or blanc... Je les mets en garde : l’investissement, c’est 8 à 10 millions d’euros. Et il faut des débouchés. »

Abatilles (43 millions de bouteilles) et Jolival (25 millions) sont loin de ce seuil. Mais Jolival, elle aussi douce, sans nitrate et peu minéralisée, a frappé fort en devenant, en mai, l’eau officielle du PSG, champion de France de football. Abatilles n’est pas en reste : partenariats avec des tables étoilées d’Aquitaine, eau officielle des Girondins de Bordeaux côté foot, de l’UBB côté rugby et surtout de Vinexpo, plus grand salon mondial du vin, rampe de lancement pour l’export. Avec sa version « finement pétillante » en forme de bouteille de vin et capsule couleur bordeaux, Abatilles clame son concept : « Grand Cru de l’Eau ». Elle a même reçu l’onction du critique de vins américain Robert Parker, twittant « fabulous mineral water from Bordeaux ».

L’heure de « l’eau-nologie » ?
La clientèle régionale est partie intégrante de ces stratégies, avec une tarification abordable localement pour Jolival et une eau d’entrée de gamme (source des Pins) pour Abatilles. Au-delà d’un marketing offensif, Hervé Maudet parle d’un « bon alignement des planètes pour les eaux de terroir avec une identité, à l’ère des locavores ».

Renaud Dutreil pressent pour l’eau le même phénomène que pour le vin. Après une époque de mélanges sous une même marque, depuis 20-30 ans, « on a peu à peu valorisé les terroirs, l’unicité, la spécificité de chaque vin ». Pour ces sourciers-entrepreneurs, l’avenir est à l’éducation du palais du consommateur, à « l’eau-nologie ». Et puis il y a l’émotion — autre facteur-clef de la consommation — liée à une « eau ancienne, jamais souillée par l’être humain ». Jolival, à 162 mètres, « a été datée au carbone 14 à plus de 20.000 ans. Elle est la pluie qui tombait sur la
tête de Cro-Magnon, avant un long voyage dans la roche... ».

Hélène Chauwin avec l’AFP
France 3 Aquitaine

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