LA FRANCE PITTORESQUE
Loup-garou
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Publié le samedi 24 octobre 2015, par Redaction
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Être malfaisant qui, selon certaines croyances, avait le pouvoir de se métamorphoser en loup la nuit et qui reprenait forme humaine le jour. Aujourd’hui, personnage effrayant dont on menaçait autrefois les enfants.
 

Ceux qui ne croient ni aux revenants, ni aux métamorphoses, n’ont vu dans les loups-garous que des hommes attaqués d’une frénésie que les anciens désignaient sous le nom de lycanthropie. « Je penserois les lougarous estre ce que les Grecs appeloient lycanthropes, qui sont gens si fort troublés d’esprit qu’ils imitent les loups, se levans du lict la nuit et vagans à l’entour des cimetières jusques au jour, ayant la face palle, les yeux haves, la langue seiche, fort altérés et les jambes incurablement blessées. » (Les Épithètes de Delaporte.)

Ces hommes qui hurlaient comme des loups et que leur instinct attirait vers les sépulcres durent frapper les masses, si disposées à croire au merveilleux, et l’idée que ces pauvres malades étaient des hommes transformés en loups s’établit si bien dans les esprits, que les loups-garous sont attestés comme tels par Virgile, Strabon, saint Augustin, saint Jérôme et bien d’autres. Plusieurs de ces malheureux, qui avaient avoué leur métamorphose, ont été condamnés au feu par les parlements pour avoir dévoré des petites filles et des petits garçons ; et quand l’empereur Sigismond fit débattre la question des loups-garous par de graves théologiens, il fut résolu que la transformation en loups était un fait constant, et que l’opinion contraire était suspecte, malsonnante et sentant l’hérésie. On comprend après cela que le loup-garou ait laissé des traces dans les souvenirs, et qu’il soit resté encore parmi nous, en qualité d’épouvantail, pour désigner cet être imaginaire qui joue un si grand rôle dans les procédés d’éducation des nourrices et des bonnes d’enfants.

Le loup-garou, par Lucas Cranach l'Ancien

Le loup-garou, par Lucas Cranach l’Ancien (1512)

Quant à la signification du mot garou, elle a été demandée par plusieurs philologues à la langue celtique, et la bonne mère langue n’a pas répondu de manière à mettre tout le monde d’accord. Les uns ont été renvoyés au mot garo, garw, cruel, féroce ; d’autres ont cru entendre qu’il fallait recourir à un vieux mot gur ou ur qui signifie vir, homme, et ils ont tiré de là l’homme-loup, l’homme qui prend la forme d’un loup.

Il y a d’autres opinions encore qui ont également leur genre de vraisemblance, et il y a enfin celle que Buffon a consignée dans son histoire naturelle des quadrupèdes : « On a vu des loups suivre des armées, arriver en nombre à des champs de bataille où l’on n’avait enterré que négligemment les corps, les découvrir, les dévorer avec une insatiable avidité, et ces mêmes loups, accoutumés à la chair humaine, se jeter ensuite sur les hommes, attaquer le berger plutôt que le troupeau, dévorer des femmes, emporter des enfants, etc. On a appelé ces mauvais loups loups-garous, c’est-à-dire loups dont il faut se garer. »

Ces animaux avides de chair humaine, qui déterrent les morts, qui dévorent les enfants et les femmes, sont bien faits pour servir de comparaison à ces monstres imaginaires qui ont causé nos terreurs enfantines, et bien que l’étymologie adoptée par Buffon (car il ne l’a pas inventée) soit la plus ingénue, nous ne voyons pas pourquoi l’on ne s’en est pas contenté. On a été chercher les autres si loin, on s’est donné tant de mal pour ne pas s’entendre sur ce pauvre mot qui, en définitive, ne représente rien, qu’on ne peut se défendre d’un sentiment de regret en voyant tant d’efforts dépensés en pure perte.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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