LA FRANCE PITTORESQUE
Charabia
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Publié le dimanche 6 septembre 2015, par Redaction
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Langage bizarre ou inintelligible
 

On s’échinerait en vain à trouver des exemples de l’usage de ce mot avant le XIe siècle. Cependant, celui-ci, ou plutôt celui dont il dérive, est très ancien.

L’expression arabiois ou arabiant, c’est-à-dire d’Arabie, pourrait bien être la racine de ce mot. On lit dans le roman de Flore et Jehanne, manuscrit cité par la Curne, page 54 : « Reube de soie ki fu bendée de fin or arabiois. » Et dans le roman d’Alexandre :

En une balancetes d’or fin arrabiant
A mis l’oel Aristotes, quant ot fait son talant...
Et ota quatre clous d’or fin arrabiant
Sur le fer attachié au confanon pendant.

Ajoutez l’aspiration ch, c’est-à-dire prononcez ce mot comme les Arabes le prononcent eux-mêmes, et vous aurez charabiois, d’où charabia. Pendant que les Français guerroyaient en terre sainte, ou plutôt pendant que nos compatriotes des pays méridionaux étaient sous la domination des Arabes, il n’est pas impossible, il n’est pas non plus invraisemblable qu’ils aient contracté, à force de l’entendre, cette prononciation aspirée. On disait et l’on dit encore, sans doute par tradition, d’un homme qui bredouille ou qui ne peut se faire entendre : « Il parle arabe. »

On a pu dire aussi Parler charabia, par opposition à Parler chrétien. Parlate cristiano, dit l’Italien, si volete che v’intenda. Dans l’Étymologie des proverbes de Fleury de Belligen, on lit : « Nostre Espaignol entendant parler de talent, dit quelque chose en son patois que nous ne pûmes pas bien ouyr. Cela m’obligea à luy dire qu’il parlast chrestien, s’il vouloit que nous l’entendissions. »

Enfin, si le polygraphe Claude-Charles Pierquin de Gembloux (1798-1863), dans son Histoire littéraire, philologique et bibliographique des patois (1841) dit vrai, charabia viendrait de Scharakiah, ville d’Arabie qui donna son nom aux Sarrasins. Ainsi, de quelque manière qu’on s’y prenne, l’étymologie de ce mot serait arabe.

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