LA FRANCE PITTORESQUE
Le capitalisme est-il
né à Toulouse ?
(Source : France 3 Midi-Pyrénées)
Publié le jeudi 20 août 2015, par Redaction
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Les Moulins du Bazacle du Moyen Age sont les premiers modèles d’économie par actions. Des sociétés innovantes pour l’époque et responsables socialement. Leur existence, souvent méconnue, vient de réapparaître au grand jour.
 

Les actionnaires du Midi toulousain investissent dans les Moulins du Bazacle et touchent des parts sur leurs actions. Rien de surprenant a priori, sauf que ce modèle date de l’an 1372. Explications du professeur de Finance de l’université Toulouse Capitole, Sébastien Pouget, qui a mis au jour cette histoire, grâce à la découverte d’une thèse publiée en 1952.

Le capitalisme serait né à Toulouse et non pas aux Pays-Bas comme on l’affirmait alors ?
Sébastien Pouget : « Non, les sociétés anonymes que nous connaissons maintenant descendent réellement de celles hollandaises dans les années 1600. Cette histoire officielle n’est pas fausse. Mais il existe une autre lignée qui vient du Midi toulousain. Les Moulins du Bazacle étaient une institution d’une modernité frappante, issue d’une découverte par tâtonnements près de 300 ans avant les marchands d’Amsterdam. »

Quelle est l’histoire de ces Moulins du Bazacle ?
« Ces moulins sont des entreprises très stables, apparues vers 1370. Les actionnaires qui possédaient des parts étaient issus de la bourgeoisie, des grands marchands, des capitouls, des juristes et aussi les institutions religieuses. Mais les employés aussi touchaient une part, les meuniers par exemple récoltaient le fruit de leur travail à hauteur de 10%. Les âniers qui transportaient le grain détenaient aussi une part sur leur âne qui était leur outil de travail. Il s’agissait de sociétés responsables au niveau social, peu de conflits sont présents dans les écrits, ce qui explique qu’elle s’est pérennisée jusqu’au XXe siècle. »

Moulin du Bazacle (Toulouse)

Moulin du Bazacle (Toulouse). Illustration extraite de
Toulouse monumentale et pittoresque, par J.-M. Cayla et C. Paul

A part toucher des actions, les actionnaires avaient-ils une force de décision ?
« Oui, les actionnaires prenaient en charge l’animation de l’activité, ils constituaient en quelque sorte un conseil d’administration avant l’heure. Ils décidaient des réparations des moulins, de l’achat des matières premières. Ils participaient pleinement à la gestion du moulin. »

Comment avez-vous découvert l’existence de cette thèse datant de 1952, révélant la « naissance du capitalisme » à Toulouse ?
« Lorsque j’étais étudiant en thèse il y a une quinzaine d’années, le site de la bourse de Paris annonçait que la première société par action était née à Toulouse. J’étais interloqué car j’étudiais alors à Toulouse et je n’étais absolument pas au courant de cette histoire. »

Finalement vous n’étiez pas le seul à ne pas savoir...
« Exactement ! J’ai souhaité continuer les recherches sur ces travaux débutés par la thèse de Germain Sicard, qui était historien du droit à l’Université de Toulouse. Mais je suis parti travailler à l’étranger (en Italie, puis aux Etats-Unis) et je suis revenu à Toulouse en 2005 et je m’y suis penché dessus. »

Que vont devenir ces travaux édités en 1952 ?
« En rentrant en France, j’ai retrouvé des collègues David Le Bris et William Goetzmann que ces travaux fascinaient également. Cette thèse méconnue devrait être imprimée en anglais aux presses de l’Université de Yale. Et prochainement, j’aimerais poursuivre ces études pour approfondir les relations entre les actionnaires et les employés du moulin. »

Florie Castaingts
France 3 Midi-Pyrénées

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