Épouse du célèbre aéronaute Jean-Pierre Blanchard — qui effectua la première traversée de la Manche en ballon, le 7 janvier 1785 —, Sophie Blanchard naquit Marie-Madeleine-Sophie Armant le 24 mars 1778, à Trois-Canons, près de La Rochelle. On raconte que sa mère étant enceinte, vit un voyageur qui lui promit d’épouser l’enfant dont elle devait accoucher, si c’était une fille. Ce voyageur était Blanchard, avec qui la jeune Armant fut mariée dans son adolescence.
Femme d’aéronaute, madame Blanchard devait se familiariser de bonne heure avec les dangers inséparables des voyages dans les régions de l’air ; mais quoique la vivacité de ses désirs égalât celle de son imagination, elle différa son début dans cette carrière jusqu’à ce qu’elle eut acquis la certitude que le ciel lui refusant les douceurs de la maternité, elle serait dispensée d’en remplir les devoirs.
Elle avait 26 ans lorsqu’elle fit avec son mari — qu’elle épousa en 1804 — sa première et probablement sa seconde ascension aérostatique ; mais ce fut au mois de mars 1805, qu’ayant fait seule la troisième à Toulouse, elle descendit à Lux, près de Caraman, en ligne directe du lieu de son départ.
Tel était le dénuement où devait la réduire la mort de son mari (le 7 mars 1809, il tombe de son ballon suite à une crise cardiaque), qui lui disait quelque temps auparavant : « Tu n’auras après moi, ma chère amie, d’autre ressource que de te noyer ou de te pendre. » Mais, loin de se livrer au désespoir, Sophie Blanchard fonda son existence sur les produits du métier d’aéronaute. Elle multiplia ses voyages aériens, et acquit une telle intrépidité qu’il lui arrivait souvent de s’endormir pendant la nuit dans sa frêle et étroite nacelle, et d’attendre ainsi le lever de l’aurore pour opérer sa descente avec sécurité.
Sophie Blanchard lors de son vol à Turin, le 26 avril 1812 |
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Il s’en fallait beaucoup qu’elle montrât le même courage dans les voitures terrestres. Ses ascensions à Rome et à Naples, en 1811, furent aussi brillantes que lucratives. Dans celle qu’elle fit à Turin, le 26 avril 1812, elle éprouva un froid glacial et une forte hémorragie par le nez ; les glaçons s’attachaient à ses mains et à son visage en pointes de diamants. Ces accidents, loin de la décourager, redoublèrent son ardeur et son activité, que vint stimuler la concurrence de mademoiselle Garnerin.
Ses voyages furent plus fréquents ; il n’y eut pas de fête publique où l’une des deux rivales ne jouât le principal rôle avec son ballon. L’ascension que madame Blanchard fit à Nantes, le 21 septembre 1817, était la cinquante-troisième ; ayant voulu descendre à quatre lieues de cette ville, dans ce qui lui paraissait être une prairie, entre Couëron et Saint-Etienne de Montluc, elle se trouva sur un marais où son ballon, accroché à un arbre, tomba sur le côté, de telle manière qu’elle aurait eu beaucoup de peine à se dégager si l’on ne fût venu à son secours. Cet accident n’était que le précurseur de l’événement funeste qui mit fin a ses jours.
Après s’être montrée dans les principales villes de France et dans quelques capitales de l’Europe, elle fit, à l’ancien Tivoli de Paris, sa soixante-septième ascension, le 6 juillet 1819, à dix heures et demie du soir, dans une nacelle pavoisée, brillamment illuminée et supportant un artifice. Son ballon, trop chargé peut être, s’étant accroché aux arbres qui bordaient l’enceinte, elle le dégagea en jetant du lest, et renversa en s’élevant quelques cassolettes d’esprit de vin.
A une certaine hauteur elle lança des fusées romaines ; mais bientôt, soit que l’une de ces fusées eût percé le ballon, soit que l’aéronaute, voulant descendre à une distance très rapprochée, n’eût point fermé l’appendice par où le gaz hydrogène avait été introduit, et qu’en mettant le feu à une autre pièce d’artifice, adaptée au petit parachute qu’elle devait lancer, la mèche eût enflammé le gaz qui sortait par l’appendice, une vive lumière annonça l’incendie du ballon et le malheur qui arrivait.
Un cri d’effroi s’éleva spontanément de toutes parts ; plusieurs femmes s’évanouirent, et la fête fut interrompue. L’infortunée tomba avec sa nacelle sur une maison dont elle enfonça le toit, au coin des rues Chauchat et de Provence. Son corps, enveloppé dans les restes des cordages et de la nacelle, fut porté à Tivoli, où tous les secours lui furent vainement prodigués. Comme il n’était pas défiguré, quoique fracassé, et que la tête et les jambes étaient entières, on a supposé que l’asphyxie avait d’abord occasionné la mort.
On fit une collecte à Tivoli pour ses héritiers ; mais comme madame Blanchard n’avait eu qu’une fille adoptive ou naturelle qui était morte, les 100 louis que produisit la quête furent employés à ses funérailles et au monument que ses amis lui firent ériger au cimetière du Père Lachaise.
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