LA FRANCE PITTORESQUE
Pimbêche, Pimpesouée
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Publié le vendredi 10 juin 2022, par Redaction
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Femme prétentieuse, usant de manières affectées et ridicules
 

Dans Le Bourgeois gentilhomme, Cléonte s’adresse ainsi au valet Covielle : « Dis-m’en, je t’en conjure, tout le mal que tu pourras. Fais-moi de sa personne une peinture qui me la rende méprisable ; et marque-moi bien, pour m’en dégoûter, tous les défauts que tu peux voir en elle. » Et Covielle, voulant déprécier à Cléonte les charmes de Lucile, lui répond ainsi : « Elle, monsieur ? Voilà une belle mijaurée, une pimpesouée bien bâtie, pour vous donner tant d’amour ! Je ne lui vois rien que de très médiocre ; et vous trouverez cent personnes qui seront plus dignes de vous. »

« Pimpesouée, dit Auger, vient probablement du vieux verbe pimper, qui signifie parer, attifer, d’où il nous reste pimpant. » Mais cette explication est inexacte, puisque le vieux verbe pimper est encore à naître. Le Moniteur nous en fournit une autre : « Les Provençaux appellent pimpe une cornemuse. M. Delâtre voit dans pimbêche une mauvaise pimpe, et dans pimpesouée une pimpe soufflée, c’est-à-dire une cornemuse soufflée et faisant entendre son bourdonnement monotone et fatigant. »

Non, Covielle ne compare pas la pauvre Lucile à une cornemuse soufflée ; il lui reproche des grâces minaudières, et non pas un bourdonnement monotone et fatigant. Pimpe est l’italien bimbo, bimba, une poupée, « mot, dit Alberti, dont on appelle par badinage les petits enfants : un poupon. » Souée n’est pas davantage pour soufflée ; c’est le féminin de souef, qu’on prononçait soué : suavis. Donc une pimpesouée est à la lettre une agréable pouponne.

La comtesse de Pimbêche, celle des Plaideurs de Racine, n’est pas non plus une mauvaise cornemuse ; c’est la comtesse de pince-bec ou du bec pincé : la syllabe ce transposée du milieu à la fin et changée en che à la picarde. C’est un sobriquet. Nous n’en voulons d’autre preuve que le nom du mécanicien anglais Pinchbeck, imitateur du génie de notre Vaucanson, et de plus inventeur de ce métal composé qui s’appelle en Angleterre du pinch beck, et en France du similor. Notez bien que ce mot de pinch beck était d’usage en France au milieu même du XVIIIe siècle. Dans l’Almanach parisien pour 1768 on lit, page 181 : « Boutons d’habits d’or, d’argent et pinchebech estampés. »

Il est clair que le nom Pinche-bec existait avant le XVIIe siècle. Racine est-il l’inventeur de la forme pimbêche ? Il ne semble pas : il aura trouvé ce sobriquet attaché à un caractère ; mais il a rajeuni et renforcé l’un et l’autre par l’application qu’il en a faite, et la célèbre comtesse des Plaideurs restera le type immortel de la dame au bec pincé, de la vieille précieuse acariâtre, de la pimbêche enfin.

Tout porte d’ailleurs à croire que le mot pimbêche est antérieur à Racine : on rencontre le mot espimbesche dès le XIVe siècle. Le Ménagier de Paris donne la recette d’un espimbesche de rougets, d’un espimbesche de bouilli lardé. On voit qu’il entrait dans cette sauce du verjus qui faisait pincer le bec, d’où lui venait apparemment son nom.

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