LA FRANCE PITTORESQUE
La Seine parisienne : vivier fourni
pour les pêcheurs à la ligne d’antan
(D’après « La Science française », paru en 1899)
Publié le vendredi 30 mars 2018, par Redaction
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Il fut un temps où, les « pensionnaires » de la poissonneuse Seine étant si convoités, un règlement assignait des emplacements précis aux pêcheurs à la ligne, distinguant les occasionnels des professionnels
 

Il faut croire que nos pères pêchaient dans la Seine un peu plus de poisson que nous n’en pourrions pêcher aujourd’hui. Se souvient-on de ce dernier grand concours de pêche où une multitude de « lignards » parvint péniblement à capturer, en deux heures, une dizaine de kilogrammes de poissons quelconques ? C’était au XIXe siècle. Il est vrai que les microbes ont remplacé les goujons ! s’exclame à l’aube du XXe siècle un chroniqueur de La Science française.

L'abbaye Saint-Germain-des-Prés et la Seine

L’abbaye Saint-Germain-des-Prés, la Seine et le Louvre vers 1500

D’après les registres du Châtelet, en 1392, la Seine poissonneuse était exploitée par deux communautés : les pêcheurs à la ligne et les pêcheurs à engins, qui seuls avaient le droit de pêcher dans une certaine étendue du fleuve au-dessus et au-dessous de la capitale. Leur privilège s’étendait, d’après les statuts, « en remontant jusques le château de Bercy et en descendant jusque le proche village de Sèvre (Sèvres) ».

Sur la Marne, leur privilège s’étendait jusqu’au « Moulin de Blanche qui est à une lieue de Saint-Maur ». Les pêcheurs, en remontant, ne payaient rien ; c’était l’étendue dite L’Eau du Roy ; mais, en descendant, ils devaient sept livres par an à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, en raison de l’aliénation faite à cette riche abbaye par Childebert, troisième fils de Clovis et roi de Paris de 511 à 558.

Logo de l'Union de Pêcheurs Parisiens

Logo de l’Union de Pêcheurs Parisiens
© Union de Pêcheurs Parisiens (http://pecheursdeparis.fr)

Les pêcheurs, par crainte de disputes, étaient placés par les huissiers de la maîtrise ; ils n’avaient pas le droit d’empiéter les uns sur les autres, ni plus loin que les bornes qui leur étaient marquées.

La confrérie des pêcheurs à la ligne était jadis établie aux Cordeliers et avait pour patron saint Louis. Les professionnels érigèrent en l’église Saint-Leufroy — près de l’actuelle place du Châtelet à Paris — le siège de la leur ; lorsque cette église fut démolie en 1684 pour l’agrandissement de la prison du Châtelet, ils transférèrent les bannières et les emblèmes corporatifs dans l’église des Grands-Augustins (démolie en 1797).

Le règlement de 1302 n’était pas si banal : il prévoyait fort bien les suites des impatiences du pêcheur à la ligne d’alors. C’est que, à cette époque lointaine, la Seine possédait une population « goujonnière » très grouillante, et le chevalier de la gaule voulait en peu de temps pêcher sa friture !

Aujourd’hui, notre pêcheur à la ligne a les défauts contraires : sa patience devient légendaire ; il restera sur la berge des heures entières sans rien sortir de l’eau empoisonnée. Comme l’a dit un poète populaire et bien parisien, conclut non sans humour notre chroniqueur, il est souvent « vierge et martyr ! »

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