LA FRANCE PITTORESQUE
Mots historiques de Jeanne d’Arc
consignés dans d’authentiques
documents d’archives
(D’après « Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche », paru en 1925)
Publié le vendredi 8 mai 2015, par Redaction
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Plus qu’aucun personnage de l’Histoire, Jeanne d’Arc a laissé des « mots » admirables ; et ceux-ci, à la différence de maintes paroles fameuses créées par la légende complaisante, présentent des garanties certaines d’authenticité. Recueillis par ses compagnons d’armes ou des témoins de sa vie, nous les trouvons consignés dans des documents d’archives historiques, les pièces du procès de Rouen et, celles du procès de réhabilitation.
 

Au cours du premier, qui a duré trois mois, Jeanne comparut devant le Tribunal ecclésiastique, qui compta jusqu’à soixante-quatre assesseurs. Là, toute sa vie fut étalée au grand jour, fouillée publiquement avec une curiosité implacable. Sans timidité comme sans forfanterie — on pourrait dire qu’elle parla « sans haine et sans crainte » — avec une présence d’esprit admirable, cette simple fille, qui ne savait « ni A ni B », dicta une autobiographie lumineuse par ses réponses que transcrivirent notaires et greffiers du tribunal. En voici quelques exemples.

On lui reproche d’avoir abandonné ses parents, en fille dénaturée.

— Eussé-je eu cent pères et cent mères, je serais partie, réplique-telle, attestant ainsi l’impérieux appel de ses voix.

— Jehanne, êtes-vous en état de grâce ? demande un assesseur. Question insidieuse, dilemme redoutable. Selon qu’elle répondra oui ou non, on la convaincra d’orgueil ou d’impureté.

— Si j’y suis, Dieu m’y garde ; si je n’y suis, Dieu m’y mette, répond la pieuse jeune fille, et le juge déconcerté n’insiste pas.

— Quelle langue parlaient vos voix ? demande un autre. Et la réponse, surgit, malicieuse :
— Meilleure que la vôtre.

On l’interroge cauteleusement sur ses armes et son équipement de guerre.

— Qu’aimiez-vous mieux de votre épée ou de votre étendard ?

— Mon étendard, quarante fois mieux, réplique la Pucelle.

Elle jure en même temps que jamais ses mains de femme n’ont frappé un ennemi, même au plus épais du danger : fait qu’attesteront unanimement tous ses compagnons d’armes. Et comme on s’étonne qu’elle ait porté son emblème jusqu’en la cathédrale de Reims, elle lance sa réponse immortelle :

— Mon étendard fut à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur !

En 1456, vingt-cinq ans après son martyre sur le bûcher de Rouen, s’ouvrit le procès de réhabilitation. Faisant droit à la supplique adressée par Isabelle Romée, mère de Jeanne, paysanne vieillie, cassée, « pleine de larmes », le pape Calixte III ordonna la révision du procès de Rouen, en commissionnant pour l’instruire trois prélats éminents : Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims ; Guillaume Chartier, évoque de Paris, et Richard de Longueil, évêque de Coutances.

Jeanne d'Arc vient au secours du roi de France

Jeanne d’Arc vient au secours du roi de France. Planche servant de titre illustré
au poème épique en douze chants de Jean Chapelain, La Pucelle ou la France délivrée

Au cours de la procédure, qui dura huit mois, on interrogea dans les formes légales du droit canon 120 témoins, tant à Domremy, Orléans et Reims, qu’à Paris et à Rouen. Parmi eux, le duc d’Alençon, prince du sang ; Dunois, le Bâtard d’Orléans, blanchi sous le harnois ; le sire de Gaucourt, le capitaine Thibaut d’Armagnac, Pierre d’Aulon, chef de la maison militaire de Jeanne ; Jean de Metz — seigneur de Novelempont — et Bertrand de Poulangy, ses compagnons de la première heure, qui la suivirent depuis Domremy jusqu’à Compiègne.

C’est dans les dépositions sous serment de ces hommes dignes de foi, faites à une époque où l’autorité ecclésiastique punissait rudement le faux témoignage, que l’on retrouve une autre série des « mots » authentiques de Jeanne d’Arc.

Sans doute, vingt-cinq années s’étaient écoulées depuis les événements. Mais la sublime fille avait produit sur ses contemporains une impression ineffaçable. Comment s’étonner dès lors que ceux qui l’avaient vue à l’œuvre aient transmis fidèlement les propos qui frappèrent si fortement leur imagination ? Voici quelques glanes de ce florilège.

A la cour de Chinon, Jeanne est mise en présence du duc d’Alençon, cousin du roi de France, celui qu’elle appelle son « Beau Duc » :

— Soyez le bienvenu, Messire, dit la Pucelle. Plus il y aura de sang de France ensemble, mieux nous en vaudrons.

Suivons la guerrière dans les combats, où elle faisait « merveille de son corps et de ses paroles pour donner du cœur à ses gens », écrit l’un de ses chroniqueurs.

— Entrez hardiment, tout est vôtre, s’écrie-t-elle à l’assaut des Tourelles devant Orléans, entreprise si audacieuse que nul capitaine n’avait osé la tenter. Et le 7 mai 1429, journée décisive du siège, Jeanne s’écrie en montant à cheval : « Au nom de Dieu, j’irai, et qui m’aime me suivra ! »

Un chroniqueur du XVesiècle a mis semblable propos dans la bouche de Philippe VI de Valois, lequel cent ans auparavant aurait crié, lui aussi : « Qui m’aime me suive ! » Si l’on attribue à ces paroles la même authenticité qu’à celles de Jeanne, il faut admirer la surprenante rencontre de la pensée d’un roi très chrétien avec le cri du cœur de la paysanne lorraine, qui, ne sachant ni lire ni écrire, ignorait tout de l’Histoire de France, si ce n’est la « grande pitié du royaume ».

Le 18 juin 1429, la petite armée royale entre dans Beaugency. On tient conseil. Doit-on laisser les Anglais se retirer librement, ou faut-il les poursuivre ? Jeanne intervient hardiment pour donner son avis :

— En nom Dieu, il faut les combattre, et quand ils seraient pendus aux nues, nous les aurons !

L’ardeur de Jeanne au combat n’empêche pas son cœur d’être pétri de compassion :

— Jamais je n’ai vu couler sang de Français sans que les cheveux m’aient dressé sur la tête, a-t-elle dit. Et sa pitié s’étend aux soldats ennemis. C’est Pierre d’Aulon, son plus fidèle compagnon d’armes, qui nous a dépeint l’émoi profond de la jeune fille la première fois qu’elle vit un soldat « très fort blessé ».

Faut-il rappeler enfin que Jeanne d’Arc fut peut-être le premier personnage de l’Histoire à prononcer le mot patrie : « Gentil Sire, dit-elle en s’agenouillant devant Charles VII, mettez-moi à l’épreuve et la patrie en sera tantôt allégée. »

Embrassez l’épopée
de Jeanne d’Arc

avec l’ouvrage Si Jeanne d’Arc m’était contée... édité par La France pittoresque : 80 pages ornées de 29 illustrations pour tout savoir sur la pieuse habitante de Domremy devenue une immortelle icône à 19 ans

Si Jeanne d'Arc m'était contée

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