LA FRANCE PITTORESQUE
Baiser Lamourette
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Publié le vendredi 22 octobre 2021, par Redaction
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Réconciliation éphémère et peu sincère
 

Quand éclata la Révolution, l’abbé Adrien Lamourette, né en 1742 à Frévent dans le Pas-de-Calais, était vicaire général de l’évêque d’Arras. Lié d’une vive amitié avec Mirabeau, on lui attribue, du moins en partie, le discours que le célèbre orateur prononça sur la constitution civile du clergé.

L'abbé Adrien Lamourette

L’abbé Adrien Lamourette

Lamourette fut élu en 1791 évêque métropolitain de Lyon, et nommé peu de temps après député de Rhône-et-Loire à l’Assemblée législative. A la suite de l’arrestation de Louis XVI à Varennes le 21 juin 1791, événement qui divisa la France et l’Assemblée en deux camps, la guerre civile paraissait imminente, et l’on parlait hautement d’établir la république.

Déplorant les divisions qui partageaient l’Assemblée, Lamourette, dans la fameuse séance du 7 juillet 1792, tenta d’opérer un rapprochement entre le côté droit et le côté gauche ; il fit entendre des paroles de paix et d’union au nom de la patrie, de la liberté, et invita ses collègues à se rallier franchement à la Constitution, à rester fidèles à leur serment, au pacte fondamental, à la France, au roi. Son discours était l’expression d’un sentiment généreux, d’une conviction profonde ; c’était l’éloquence du cœur.

Toutes les divisions entre les partis semblèrent apaisées, les députés des opinions les plus opposées s’embrassèrent, et l’Assemblée décréta que le procès-verbal de cette mémorable séance serait porté au roi par une députation et adressé à tous les départements. Louis XVI se rendit immédiatement à l’assemblée ; il y fut accueilli par des applaudissements, et les députés en masse l’accompagnèrent à son retour aux Tuileries.

Mais cet enthousiasme n’eut pour résultat qu’une trêve de quelques heures. Trois jours après, les partis étaient plus ennemis que jamais. Les accolades fraternelles provoquées par le discours du 7 juillet demeurèrent célèbres sous le nom de baiser Lamourette, et ces mots passèrent dans la langue pour désigner une réconciliation éphémère et peu sincère.

Voici deux exemples d’utilisation de cette expression :

« Ces réconciliations, ces protestations d’oubli ont toujours un air de baiser Lamourette qui fait sourire les politiques et les sceptiques. On hésite donc beaucoup à les prendre au sérieux, quelque nécessaires qu’elles soient. » (Charles de Mazade, Revue des Deux-Mondes).

Réconciliation lors de la séance du 7 juillet 1792

Réconciliation lors de la séance du 7 juillet 1792

« L’Assemblée nationale s’est constituée au bruit du canon, du tambour et des fanfares. Dans ces jours où l’imagination est séduite par les sens, le cœur entraîné par l’imagination, la raison absorbée par le sentiment, l’âme n’a plus d’attrait que pour les épanchements de la sensibilité, pour les illusions de l’espérance. C’est l’heure des baisers Lamourette, c’est l’instant des réconciliations perfides. Mais bientôt l’enthousiasme s’apaise, le sentiment s’évanouit, et la raison revient poser ses questions redoutables. » (P.-J. Proudhon, Idées révolutionnaires).

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