LA FRANCE PITTORESQUE
Traque de la planète
Vulcain au XIXe siècle
par le monde scientifique
(D’après « Le Journal de la jeunesse », paru en 1884)
Publié le dimanche 17 mars 2019, par Redaction
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Il fallut attendre l’avènement de la théorie de la relativité pour infirmer l’existence de Vulcain : postulée en 1860 par l’astronome et mathématicien Urbain Le Verrier, cette présence pourtant non visible constituait en effet à l’époque la seule justification des « anomalies » décelées dans le mouvement de la planète Mercure, lesquelles ne s’expliquaient pas par l’influence des autres planètes connues.
 

L’invention des lunettes astronomiques, invention qui ne date que du commencement du XVIIe, nous révéla l’existence d’un grand nombre d’astres absolument inconnus de nos ancêtres. Les anciens astronomes ne connaissaient qu’une seule nébuleuse, la voie lactée ; à la fin du XIXe siècle, nous étions parvenus à déterminer les positions de plus de 5000 nébuleuses et, découverte remarquable, avions pu reconnaître que ces nuages légers étaient pour la plupart formés par l’agglomération d’une quantité innombrable d’étoiles.

Les anciens astronomes ne rattachaient au système solaire que six planètes : Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter et Saturne. Grâce aux travaux d’Herschel et de Le Verrier, deux astres nouveaux, Uranus et Neptune, prirent place parmi les satellites du Soleil. Le 13 mars 1781, l’astronome Herschel, examinant au télescope un groupe de petites étoiles situées dans la constellation des Gémeaux, observa par hasard qu’une de ces étoiles avait des dimensions inusitées. Il l’observa le lendemain et les jours suivants et reconnut qu’elle se déplaçait parmi les autres étoiles ; c’était donc un de ces astres errants nommés planètes : Herschel venait de trouver Uranus.

Vue d'artiste du processus de formation planétaire autour de l'étoile Beta Pictoris

Vue d’artiste du processus de formation planétaire autour de l’étoile Beta Pictoris

Au cours du XIXe siècle, les astronomes découvrirent entre Mars et Jupiter de tout petits astres, dont le nombre ne cessa de croître d’année en année : dans les années 1880 on en comptait déjà près de deux cent cinquante, véritables planètes tournant autour du Soleil tout comme notre terre, et paraissant être les débris d’une grosse planète qui aurait jadis circulé dans le ciel.

A cette époque, les astronomes furent informés à plusieurs reprises de la découverte d’une neuvième grande planète, dont l’existence cependant était encore problématique. Cette planète avait déjà reçu le nom de Vulcain et serait la plus rapprochée du Soleil, plus voisine par conséquent de l’astre radieux que la Terre, Vénus et même Mercure.

On comprenait bien toute la difficulté que les astronomes éprouvaient alors à apercevoir des astres tels que Neptune ou Uranus dont les dimensions sont extrêmement faibles, à cause de leur immense éloignement ; on comprenait moins bien les difficultés qui empêchaient d’apercevoir Vulcain, s’il existait, puisque cette planète était censée être la plus voisine de notre Soleil. Mais, puisque c’était, se disait-on, précisément ce voisinage d’un astre aussi éclatant que le Soleil qui gênait l’observation ; le faible éclat d’une planète très rapprochée du Soleil disparaissait dans la lumière intense que répand cet éblouissant foyer ; aussi les astronomes recherchaient-ils surtout l’astre nouveau durant les éclipses de soleil, alors que l’éclat de celui-ci était considérablement affaibli. En vain. L’astre Vulcain n’avait toujours pas pu être observé.

Puisque Vulcain n’avait jamais été aperçu, comment s’inquiéta-t-on de son existence ? Il était loisible au premier venu d’imaginer qu’en deçà des planètes connues, ou bien au delà, ou bien encore entre ces planètes, devaient se trouver des astres non encore observés ; mais ces efforts d’imagination seraient-ils pris au sérieux par les savants ? Non sans doute, et il fallut des raisons sérieuses pour engager les astronomes à rechercher le nouvel astre. Indiquons-les succinctement.

On se rappelle comment Le Verrier trouva la planète Neptune. En étudiant dans son cabinet les mouvements de la planète Uranus, Le Verrier constata que le mouvement de cet astre dans son orbite présentait des irrégularités inexpliquées. Ce grand astronome supposa que le mouvement d’Uranus devait être influencé par la présence d’une planète inconnue et il détermina par le calcul la position qu’elle devait occuper. Cette planète n’était autre que Neptune, qui fut trouvée dans le ciel à la place même que Le Verrier lui avait assignée. Ce sont des circonstances absolument identiques qui conduisirent le même astronome à annoncer l’existence de Vulcain.

Urbain Le Verrier en tenue d'académicien

Urbain Le Verrier en tenue d’académicien

En étudiant les mouvements de la planète Mercure, Le Verrier constata des différences entre la théorie et l’observation, dont il chercha à déterminer les causes. Le Verrier reconnut que ces différences seraient absolument expliquées si l’on admettait la présence d’une ou de plusieurs planètes entre Mercure et le Soleil, et il en conclut l’existence d’une planète intramercurienne à laquelle il donna le nom de Vulcain. On se souvint alors qu’à plusieurs reprises les astronomes avaient observé le passage de petits corps obscurs sur la surface du Soleil et l’on pensa naturellement que ces corps opaques pourraient bien être la ou les planètes cherchées.

En 1859, un médecin, Lescarbault, annonça qu’il avait assisté le 26 mars de cette même année au passage sur le Soleil d’un disque noir dont le contour était parfaitement arrêté. Le Verrier se rendit immédiatement à Orgères, chez Lescarbault, pour examiner ses instruments astronomiques et recevoir des explications précises sur les détails de l’observation ; il en rapporta la conviction que cette observation était parfaitement authentique.

Le Verrier, discutant alors l’observation du docteur Lescarbault, arriva à déterminer la position de l’orbite de la planète nouvelle à laquelle il donna, nous l’avons déjà mentionné, le nom de Vulcain. Il trouva que ce corps devait circuler autour du Soleil en 19 jours et 17 heures, et, de plus, qu’il ne devait pas être seul. Pour altérer le mouvement de Mercure, il fallait supposer non pas un seul Vulcain, mais une vingtaine de petites planètes situées dans la même région. Dès lors, les astronomes furent à la recherche des planètes intramercuriennes, plusieurs observateurs déclarant les avoir retrouvées. Seule la mort de Le Verrier, en 1877, entama l’enthousiasme avec lequel les astronomes recherchaient encore Vulcain.

La théorie de la relativité générale, sans décourager certains chercheurs, apporta pourtant en 1916 l’explication tant recherchée, et expliqua les irrégularités du mouvement de Mercure en excluant la présence de la planète tant traquée.

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