LA FRANCE PITTORESQUE
Année de noisettes,
année de mariages
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Publié le samedi 27 décembre 2014, par Redaction
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On dit aussi : année de noisettes, année d’enfants. Le fruit que la noisette renferme sous une double enveloppe a été regardé comme l’image de l’enfant dans le sein de sa mère, et l’on a conclu de cette similitude que les années abondantes en noisettes doivent l’être aussi en mariages ou en enfants.
 

C’est de ce préjugé fort ancien, et non, comme on pourrait le croire, des rendez-vous donnés sous la coudrette ou la coudraie, qu’est né le dicton usité parmi les gens de la campagne et rappelé par Monteil dans la phrase suivante de son Histoire des Français des divers états (XVIe siècle) : « Vous savez que c’est l’année des noisettes ; tout le monde se marie : sans plus tarder, mademoiselle, marions-nous. »

La marchande de noisettes

La marchande de noisettes

Il faut attribuer à la même cause l’usage antique de répandre des noix aux cérémonies nuptiales ; usage qui n’avait pas pour but de marquer, ainsi qu’on l’a prétendu, que l’époux renonçait aux amusements futiles et ne songeait plus qu’aux graves devoirs de son nouvel état, mais d’exprimer un vœu pour la fécondité de l’épouse ; car la noix présentait le même symbole que la noisette. C’est ce que dit formellement Pline le Naturaliste (liv. XV, ch. XXIV). Festus affirme également que les noix étaient jetées, pendant les noces, en signe de bon présage pour la mariée : Ut novae nuptae intranti domum novi mariti auspicium fiat secundum et solistimum. (V° Nuces.)

Cela avait lieu au Moyen Age, comme dans l’Antiquité. De plus, on déposait alors auprès du lit nuptial une corbeille remplie de noisettes qu’on avait fait bénir par un prêtre : il est resté quelque chose d’un tel usage dans ce qui se pratique aux noces villageoises, où l’on place sur la table, en face des mariés, des plats de dragées, lesquelles ne sont, comme on sait, que des noisettes ou des amandes dont l’enveloppe a été remplacée par une couche de sucre glacé. C’est d’après une analogie du même genre qu’à l’occasion du baptême des enfants on distribue des boîtes de dragées aux amis et on jette quelquefois des poignées de dragées à la foule des curieux. Il est évident que ces dragées marquent, dans le mariage, un souhait pour qu’il soit fécond, et, dans le baptême, un heureux accomplissement de ce souhait.

Dans le Moyen Age on jetait plus souvent du blé que des noix ou des noisettes, pendant les noces. Le Romancero du Cid, dans sa romance intitulée Des divertissements qui eurent lieu aux noces du Cid, parle d’une excessive quantité de blé qu’on y répandit. Voici de quelle manière naïve il décrit la chose : « Tant il en est jeté par les fenêtres et les grilles, que le roi en porte sur son bonnet qui est large des bords une grande poignée. La modeste Chimène en reçoit mille grains dans sa gorgerette, et le roi les retire à mesure. »

Au XIXe siècle avait encore cours dans certaines contrées la coutume de répandre des noix, des noisettes, des amandes, des fruits à noyaux et des grains pendant la cérémonie du mariage, comme emblèmes de la fécondité qui doit en résulter notamment : ainsi en était-il souvent en Russie, en Valachie historique, ou encore dans quelques villages de Corse.

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