LA FRANCE PITTORESQUE
Parasite
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Publié le vendredi 22 avril 2022, par Redaction
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Ce nom était, dans l’origine, un titre honorable. Lucien, qui connaissait parfaitement les tours et les finesses de sa langue, ne fait point difficulté d’appeler Patrocle, l’intime ami d’Achille, son parasite. Les Bardes des Celtes, qui étaient les poètes de nos anciens Gaulois, et qui les suivaient à la guerre pour décrire et chanter leurs actions héroïques, étaient appelés, par honneur, parasites.

Parmi les Romains on désignait autrefois sous ce nom les épulons, qui étaient des officiers sacrés. Le mot parasite vient de deux mots grecs qui signifient : celui qui est près du blé. C’était, dans le principe, le nom que les Grecs donnaient à ceux qui avaient l’intendance des blés sacrés. Ils étaient honorés, et avaient part aux viandes des sacrifices.

Pierre de Montmaur le parasite (1576-1650)

Ce mot n’avait alors rien d’odieux et de méprisable ; mais, dans la suite, on vit s’élever à Athènes des essaims de convives, qui s’introduisaient dans les maisons opulentes, et qui en devinrent les habitués et les commensaux. On les appela d’abord parasites : ce mot se prit de suite en mauvaise part, et depuis il s’est appliqué aux gloutons et gens affamés, qui flattent les riches pour se gorger à leur table.

« N’attire pas dans ta société des flatteurs parasites, dit Phocylide ; ils n’aiment que la bonne chère, achètent un bon repas par leurs lâches caresses, se piquent aisément, et ne sont jamais satisfaits. Sois redevable à toi-même de ta subsistance, dit-il encore, et ne l’achète pas au prix de l’ignominie. »

On appelait également les parasites ombres ou mouches, parce que les premières suivent les maîtres du logis dans la salle du festin, comme l’ombre suit le corps ; ils profitaient abusivement d’un usage qui les faisaient tolérer ; et mouches, parce qu’ils arrivaient inopinément et sans être invités, par allusion aux mouches, insectes incommodes, qui se jettent sur tous les plats. On disait d’un parasite médisant qu’il n’ouvrait jamais la bouche qu’aux dépens d’autrui, parce qu’il mangeait toujours chez les autres, et disait du mal de tout le monde.

Jamais parasite n’acquit autant de célébrité que Pierre de Montmaur, professeur au collège royal, né dans le Limousin en 1576, et mort en 1650. Il fut le bardot des innombrables plaisanteries, tant bonnes que mauvaises, de tous les poètes de son temps, qui épuisèrent sur lui leurs carquois, et l’arsenal entier du ridicule. Il est vrai qu’il y prêtait extraordinairement, sous le rapport de la gourmandise ; c’était d’ailleurs un homme de beaucoup d’esprit, rempli de science et d’érudition.

La satire suppose que sous le pseudonyme de Mormon, conseiller du roi, gentilhomme de sa cuisine, et contrôleur des festins de France, il composa les ouvrages suivants, imprimés à Paris, chez Martin Mangeart, rue de la Hachette, à l’Aloyau :

1°. Traité des quatre repas du jour, leur étymologie, ensemble une recherche curieuse sur la façon de manger des anciens, où il est prouvé qu’ils ne mangeaient couchés sur des lits, que pour montrer qu’il faut manger jour et nuit, et que qui mange, dort, ou que le véritable repos se trouve à table.

2°. Commentaire sur le cinquième aphorisme d’Hippocrate, qu’il est bien plus dangereux de manger peu que trop, ensemble une sommaire réfutation du passage qui porte que toute réplétion est mauvaise.

3°. Opuscules non sceptiques contre cette commune façon de parler : Les premiers morceaux nuisent aux derniers.

4°. Démonstration mathématique, où l’auteur fait voir, par la propre expérience de son ventre, qu’il y a du vide dans la nature.

5°. Apothéose d’Apicius.

6°. Traité de toutes les marchandises comestibles dont on goûte avant de les acheter.

7°. L’Anti-Pythagoricien, ou réfutation de la doctrine de Pythagore, qui défendait l’usage de toutes les viandes qui avaient eu vie.

8°. Requête à M. le lieutenant-civil, à ce qu’il lui plaise faire défense aux cabaretiers et gargotiers, d’avoir des plats dont les fonds s’élèvent en bosse, ce qui est une manifeste tromperie.

9°. Requête à nos seigneurs du parlement, tendante à ce qu’il leur plaise faire défense aux faiseurs d’almanachs, de prédire la famine, parce que cela fait mourir de peur.

10°. Manuduction à la vie parasitique, avec une explication et une apologie de ce mot.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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