LA FRANCE PITTORESQUE
Berner
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Publié le samedi 5 juillet 2014, par Redaction
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Berner est un mot à sens clair et lumineux pour tout le monde. Il s’emploie surtout dans le sens de tromper grossièrement. Les Valères de Molière ne trompent pas les Gérontes, ils les bernent ; il y a une nuance. C’est là la vraie acception du mot aujourd’hui.

Il n’est plus guère employé dans son sens propre que par les soldats en belle humeur, qui veulent jouer un bon tour à quelqu’un de leurs camarades. Cette plaisanterie qu’on ne peut vraiment pas appeler agréable, consiste à déposer le patient sur une forte couverture maintenue horizontale et tendue par quatre hommes qui ont pour mission de la laisser s’abaisser un peu et de la retendre violemment de façon à lancer l’infortunée victime au plafond.

L’art consiste à aller en mesure et à relancer son homme au moment même où il retombe sur la couverture, sans lui laisser le temps de respirer et de faire un mouvement. Telle est la bonne farce qui a donné lieu au mot berner.

De berner au sens propre à berner dans notre acception figurée, il n’y a qu’un pas. Le mot berner vient lui-même de berne, qui signifie, d’après Littré, une étoffe de laine grossière (bernia en espagnol et en italien), ou suivant une autre opinion : de l’arabe burnous, manteau.


Illustration pour une édition de 1682 du Médecin malgré lui de Molière

Quoi qu’il en soit, dans un grand nombre de provinces une berne ou barne est une pièce d’étoffe, soit de laine soit de fil, servant à des usages très variés, et surtout à faire sécher, en les étalant dessus, des graines, des fruits, des haricots, des noix, etc.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Rabelais, qui avait beaucoup retenu du langage des provinces méridionales, dise d’un personnage qu’il « portoyt bernes à la moresque. »

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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