LA FRANCE PITTORESQUE
Surcouf (Robert)
(1773-1827)
(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1834)
Publié le mercredi 13 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Le fameux Surcouf, né en 1773 à Saint-Malo, est le type de ces hommes de mer courageux, qui secondèrent si bien nos escadres en harcelant sans cesse les Anglais, non seulement dans les mers de l’Europe, mais aussi dans celles de l’Inde, car il acquit surtout sa réputation et sa fortune en faisant la grande course
 

Pendant nos dernières guerres maritimes contre l’Angleterre, des nuées de corsaires sortis des ports de la Manche et de l’Océan, porteurs de lettres de marque, firent un tort considérable au commerce anglais qu’ils désolaient. Ces bâtiments légers, presque tous fins voiliers et montés par des hommes intrépides qui se jouaient de la tempête et des combats, profitaient des temps de brume pour sortir des petites criques qui leur servaient de refuge, et, tombant à l’improviste sur les navires marchands, ils les enlevaient à l’abordage.

Robert Surcouf

Robert Surcouf

Surcouf était loin de ressembler à la plupart des chefs de corsaires, valeureux, mais brutaux et pillards, dissipant dans les orgies tumultueuses ce qu’ils ont enlevé à coups de hache et de poignard. Son caractère était doux, il avait même des goûts paisibles. Il naviguait au cabotage, lorsqu’il parvint à se faire aimer d’une demoiselle dont il sollicita la main. Le père de la demoiselle, homme fort riche, ne voulant pas le décourager par un refus positif, lui dit : « Et bien, mon garçon, si tu veux ma fille il faut la gagner. Pour cela deviens riche, puis tu viendras me trouver, et alors nous verrons. »

Surcouf prit aussitôt sa résolution, qu’il exécuta immédiatement, selon son habitude ; il alla tenter fortune dans l’Inde, sachant bien qu’elle pouvait y sourire à un marin hardi. On était alors en 1796. Arrivé à l’Ile-de-France, quelques jeunes gens armèrent un petit corsaire monté par des lascars (marins indiens), et lui en confièrent le commandement. A l’embouchure du Bengale, il attaqua un petit convoi escorté par un bateau-pilote armé en guerre ; il s’en empara et passa à bord avec son équipage.

Peu après, avec son bateau, n’ayant que deux canons, Robert Surcouf prit à l’abordage un vaisseau de la Compagnie des Indes, nommé le Triton, monté par cent cinquante Européens, et ayant vingt-six canons en batterie. Il dut ce succès à une ruse de guerre, car ses hommes, cachés à son bord lorsqu’il accosta l’Anglais, ne parurent que pour sauter sur le vaisseau ennemi. L’abordage fut terrible, mais Surcouf triompha, et il mena sa prise à l’Ile-de-France, après avoir renvoyé ses prisonniers à Madras sur son petit schooner. Il leur avait fait signer un cartel d’échange.

Bientôt Surcouf retourne à la mer sur un corsaire plus fort que le précédent. Chassé par trois vaisseaux de la Compagnie dont un porte deux cents soldats passagers, il parvient au moyen d’une manœuvre habile à les isoler ; puis, les attaquant séparément, il en enlève deux, et contraint le troisième à prendre la fuite. En montant à l’abordage du premier de ces navires, Surcouf vit un jeune midshipman poursuivi par un matelot malais qui cherchait à le poignarder. Vainement prit-il le jeune homme sous sa protection ; le Malais frappa sa victime d’un coup mortel. Le capitaine, irrité de la cruauté du matelot, lui brûla sur-le-champ la cervelle.

Après plusieurs courses aventureuses, Robert Surcouf fut sur le point d’être dépouillé du fruit de ses dangers parce qu’il avait écumé la mer sans lettres de marque. Cependant, en considération de ses services, le Directoire lui décerna, à titre de récompense nationale, la valeur de ses prises. Il eut pour sa part 1 700 000 francs, revint en France, et épousa celle qu’il aimait.

Surcouf, riche et considéré, ne resta pas longtemps oisif. Il avait goûté de la mer, comme disent les marins, et la terre semblait fade et monotone. Ses tempêtes, ses courses, ses combats, lui manquaient ; il partit de nouveau. Plusieurs campagnes heureuses augmentèrent encore sa fortune, et lorsqu’il revint en Europe, en 1813, avec une vieille frégate qu’il avait achetée du gouvernement et armée en flûte, il possédait une fortune qui s’élevait à plus de 3 millions.

Le frère du capitaine Surcouf, intrépide marin comme lui, fut son second pendant près de quinze ans, et contribua à ses succès. La mémoire du brave capitaine de corsaire est chère à tous les marins qui l’ont connu, et la France s’honore comme de l’un de ses plus heureux défenseurs.

Robert Surcouf mourut le 8 juillet 1827.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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