LA FRANCE PITTORESQUE
Grands écrivains (Les) au travail :
des habitudes parfois surprenantes
(D’après « Le Nouvelliste illustré », paru en 1898)
Publié le samedi 21 juin 2014, par Redaction
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De la vie d’un Balzac qui ne souffrait aucune exception à un rythme parfaitement réglé, à celle d’un Alexandre Dumas qui exigeait quelque constante agitation pour que s’exprime la fibre créatrice de l’artiste, l’existence des grands écrivains peut s’avérer être pétrie de singulières manies...
 

Balzac prétendait ne pouvoir bien travailler que le matin, et l’on va voir ce qu’il entendait par là ! L’auteur du Père Goriot se mettait au lit vers six ou sept heures du soir : il se levait à une heure du matin et travaillait jusqu’à huit.

Puis, il déjeunait copieusement, faisait un tour de promenade et se remettait à la besogne jusqu’à trois ou quatre heures de l’après-midi. Il prenait alors un bain, recevait quelques amis, dînait et se couchait. Il recommençait le lendemain ; cela dura quinze ans.

Un pareil système ne pouvait convenir à Alexandre Dumas père. Très nerveux, toujours en ébullition, il avait besoin de mouvement et exécrait — on le sait — l’existence réglée, où rien n’est laissé à l’imprévu. On raconte qu’un jour, ne pouvant mener à bien, dans le silence du cabinet, un roman qu’il avait en train, il s’embarqua dans une de ces lourdes diligences qui faisaient jadis le service entre Paris et le Havre. Pendant vingt heures il fut cahoté sur les pavés du chemin. Quand il arriva à destination son livre était composé de toutes pièces.

Alexandre Dumas père

Alexandre Dumas père

D’autres fois, il demandait à la musique ses meilleurs inspirations : souvent il venait au Conservatoire, se griser de mélodie, et, chez lui, écrivait l’un de ces merveilleux chapitres que chacun connaît. Enfin, on se rappelle qu’il aimait à se balancer sur les flots bleus du golfe de Messine dans une simple barque de pêcheur, pour y chercher, comme en rêve, quelqu’une de ses gracieuses héroïnes.

Théophile Gautier avait, lui aussi, cent façons de travailler. Dans certains bureaux de rédaction, on se rappelle encore à la fin du XIXe siècle comment il composait ses articles. Ecrivant debout sur une table spéciale, il avait à sa droite un sac de bonbons et à sa gauche une botte de cigarettes, dans lesquels il puisait alternativement.

Puis, quand il sentait l’inspiration faiblir, il s’arrêtait, et, à la stupéfaction de ceux qui le connaissaient peu, s’approchait d’une petite pompe qui se trouvait dans un coin, et pendant quelques minutes pompait de toutes ses forces. Cela, disait-il, renouvelait l’oxygène de son sang et lui donnait des idées. Puis il se remettait à écrire.

Dickens et Walter Scott, comme Balzac, travaillaient à hure fixe et surtout le matin. « Entre six et sept heures, dit quelque part l’auteur d’Ivanhoé, la muse me visite ; c’est là, pour moi, le meilleur moment de la journée, l’heure claire où je vois nettement ce que je cherche souvent en vain en d’autres instants du jour. « Quand je le puis, je ne travaille que le matin et flâne en fumant l’après-midi. C’est si bon, un cigare, après quelques heures de besogne ! »

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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