LA FRANCE PITTORESQUE
Brongniart (Alexandre)
(D’après un article paru en 1848)
Publié le mercredi 13 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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L’histoire rangera Alexandre Brongniart parmi ces hommes glorieux dont le génie s’est allumé dans les agitations fécondes de la Révolution. Il était de cette mémorable période de 1770, si extraordinaire par les naissances précieuses qui s’y sont en quelque sorte concentrées. Fils de l’architecte de la Bourse, Alexandre-Théodore Brongniart, Alexandre, né le 5 février 1770, devint élève de l’École des mines de Paris. Dès 1790 il fit un voyage minéralogique et technologique en Angleterre, et, à son retour, il fut attaché au Jardin des Plantes comme préparateur de chimie.

Alexandre Brongniart

Alexandre Brongniart

Lorsque toute la jeunesse de France s’ébranla pour couvrir la frontière, Brongniart, qui avait profité des loisirs que lui laissaient ses fonctions pour prendre ses inscriptions à l’École de médecine, fut attaché comme pharmacien à l’armée des Pyrénées. Son séjour dans ces montagnes ne fut pas perdu pour la science, non seulement par les observations géologiques qu’il put y recueillir, mais parce que ses habitudes du pays lui permirent, au risque de sa vie, de sauver Broussonnet, qui, menacé par la persécution, cherchait à gagner l’Espagne par la brèche de Roland, passage si bien connu de tous les géologues.

Mis en prison pour ce délit glorieux, il ne fut rendu à la liberté qu’après le 9 thermidor ; et à peine revenu à Paris, il se vit chargé, malgré sa jeunesse, du cours d’histoire naturelle à l’École centrale des Quatre-Nations.

C’est là, dans ce brillant foyer, que sa carrière acheva de se décider. A l’époque de l’organisation de l’Université, c’est à lui que fut confié le soin de composer un traité élémentaire de minéralogie, et il s’en acquitta de manière à satisfaire non seulement aux conditions du moment, mais à laisser à ses successeurs un modèle de tous les temps.

Si distinguée que fût déjà la carrière de Brongniart, elle n’était encore qu’à son aurore : c’est le concours de Cuvier qui devait en déterminer la splendeur. Comme presque tous les hommes éminents de cette époque, Alexandre Brongniart ne s’était point borné à sa spécialité : la médecine l’avait mis sur la voie de la zoologie, où il était déjà connu par un travail sur les reptiles, demeuré classique ; et si c’est un signe du génie que de savoir imposer des noms nouveaux, il n’a pas manqué à M. Brongniart, car les noms de Sauriens, de Batraciens, etc., qui sont aujourd’hui d’un usage vulgaire, viennent de lui, ainsi que la classification de ces animaux. Ces circonstances, aussi bien que sa modestie et la singulière amabilité de son caractère, le rendaient merveilleusement propre à une communauté d’études avec Cuvier, et rien n’est assurément plus méritoire pour lui que d’avoir si bien associé son nom à celui de son illustre ami, que non seulement il en est inséparable, mais que la part qui lui revient, pour avoir peut-être semblé à l’origine moins éclatante, ne sera pourtant pas, aux yeux de l’histoire, jugée inférieure, étant même le fondement de ce qu’il y a de plus grand dans les découvertes particulières à M. Cuvier.

Brongniart. D'après un médaillon par David d'Angers.

Brongniart. D’après un
médaillon par David d’Angers.

On entend que nous voulons parler des ossements fossiles du bassin de Paris. Cuvier, appuyé sur les principes nouveaux dont il avait enrichi l’anatomie comparée, s’était mis dans l’esprit de restituer les animaux dont les débris se sont conservés dans les dépôts de nos environs ; mais, comprenant que sa tâche, pour être sans lacune, demandait qu’outre les animaux, les dépôts dans lesquels leurs restes sont ensevelis fussent déterminés également, et ne trouvant pas dans ses études antérieures les connaissances minéralogiques nécessaires, il avait appelé Alexandre Brongniart, qui, tout en s’harmonisant avec lui par son savoir zoologique et la précision de son esprit, le complétait si excellemment par son habileté de géologue.

Il venait justement d’en donner une belle preuve en introduisant dans la science, et comme il a toujours fait, de la manière la moins ambitieuse, un de ces principes féconds dont les développements constituent des voies nouvelles : en étudiant l’Auvergne il avait signalé comme formés dans l’eau douce des terrains dont les coquilles avaient été reconnues par lui pour appartenir aux espèces qui vivent dans les fleuves.

C’était un pas tout nouveau, et immense en théorie, comme intronisant l’étude des circonstances de la formation des terrains au moyen de l’étude intermédiaire des circonstances de la vie chez les contemporains de ces terrains. Il revient à Brongniart d’avoir constaté qu’à mesure que l’âge des couches minérales se rapproche du nôtre, les animaux qui y sont ensevelis se rapprochent de plus en plus des types les plus élevés de l’ordre actuel, principe capital de la paléontologie.

Pendant près de soixante ans, Alexandre Brongniart n’a pas cessé un seul jour de s’appliquer. Ses repos étaient des voyages, toujours profitables à la science. En Suède et en Norvège, il posait les bases de la classification des plus anciens terrains fossilifères ; en Italie, il scrutait dans le soin des volcans la physiologie de la terre ; dans les Alpes, d’un regard aussi hardi qu’assuré, il pénétrait l’âge de ces sommets sublimes qui ont semblé si longtemps les contemporains de la création, et fondé sur l’autorité de ses principes, il les ramenait à l’époque de la craie et des terrains tertiaires, à l’admiration générale des géologues, empressés de se jeter à sa suite dans cette voie.

La science n’était pas la seule occupation d’Alexandre Brongniart. Depuis 1800, il était directeur de la manufacture de porcelaine de Sèvres, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort survenue le 7 octobre 1847 ; c’est dire que les beaux-arts et la technologie se disputaient aussi son esprit. Il appliquera ainsi ses connaissances en minéralogie et en chimie à la fabrication de céramiques. C’est par un magnifique ouvrage consacré aux arts céramiques qu’il a terminé sa longue et laborieuse carrière, rejoignant ainsi ses débuts, qui s’étaient faits par un ingénieux mémoire sur les émaux : en 1837, il a en effet entrepris avec Delafosse la rédaction d’un grand ouvrage intitulé Le Règne minéral ou Histoire naturelle des espèces minérales présentant leurs caractères et propriétés distinctives, leurs applications directes aux usages de la vie, leurs rapports entre elles, la place qu’elles occupent et le rôle qu’elles jouent dans la composition de l’écorce terrestre. L’ouvrage devait être prêt en 1838 et comporter trois volumes avec 15 à 20 planches. Mais Alexandre Brongniart avait trop présumé de ses forces, et à partir de 1843, Delafosse a terminé seul le travail.

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