Gresset naquit à Amiens le 29 août 1709. Son père était conseiller du roi. Ce fut chez les Jésuites de cette ville qu’il fit ses premières études, et il vint achever son éducation à Paris, au collège de Louis le Grand. On l’envoya, successivement ensuite, professer les humanités à Moulins, à Tours et à Rouen. Il composa Vert-Vert à l’âge de vingt-quatre ans. La supérieure générale de la Visitation prit au sérieux cet ingénieux et charmant badinage ; elle porta plainte, et Gresset fut envoyé à La Flèche pour avoir chanté les nonettes sucrées.
A vingt-six ans, il quitta les Jésuites et leurs écoles. Il entra dans le monde, où il fut accueilli avec l’empressement et les distinctions que méritaient son talent et son éducation. Ses succès le firent rechercher par le grand Frédéric, dont les offres brillantes ne purent le déterminer à quitter Paris pour Berlin. Cependant, fatigué du tourbillon du grand monde, ses souvenirs se reportaient sans cesse vers son pays natal, et il y retourna pour y fonder une académie, dont il fut nommé président perpétuel, en 1750 ; mais il refusa cette distinction.
Il était, d’ailleurs, de l’Académie française, et faisait des voyages à Paris pour assister aux séances de ce corps ; il en était directeur à l’époque de la réception de d’Alembert, qui remplaçait de Surian, évêque de Vence. Gresset, en répondant au récipiendaire, s’éleva avec noblesse et courage contre les évêques qui manquaient aux devoirs de la résidence. On se plaignit de son discours, et lorsque Gresset alla à Versailles, selon l’usage, l’offrir au roi, Louis XV, trompé sans doute par la cabale, tourna le dos au directeur de l’Académie. Désespéré qu’on pût le regarder comme un homme hostile, Gresset retourna à Amiens pour y chercher des consolations auprès de l’évêque, de La Motte, qui était son ami.
Ce prélat profita du moment pour engager Gresset à renoncer au théâtre ; ce ne fut pourtant qu’en 1759 qu’il jeta au feu des comédies et d’autres poésies qu’il avait en porte-feuille, et que, par une lettre insérée dans les journaux du temps, il fit abjuration publique du culte de Thalie. Voltaire et Piron, d’accord une fois dans leur vie, lancèrent, contre cet apostat littéraire, des sarcasmes et même des injures grossières ; car Voltaire écrivit dans sa correspondance : « Et ce polisson de Gresset, qu’en dirons-nous ? Quel fat orgueilleux ! Quel plat fanatique ! »
Piron, auteur de la Métromanie, et jaloux de l’auteur du Méchant, fit circuler l’épigramme suivante :
Gresset pleure sur ses ouvrages En pénitent des plus touchés. Apprenez à devenir sages, Petits écrivains débauchés. Pour nous, qu’il a si bien prêchés, Prions tous que dans l’autre vie Dieu veuille oublier ses péchés Comme en ce monde on les oublie. |
Quoi qu’en dise Piron, les péchés de Gresset ne sont point oubliés, et ne le seront jamais, tant que les Français aimeront à lire les ouvrages spirituels et gracieux. Vert-Vert est un petit chef-d’œuvre de style et d’aimable plaisanterie. Les mêmes qualités se trouvent dans le Lutrin vivant, le Carême impromptu et la Chartreuse. En revanche, sa tragédie d’Edouard III est bien médiocre : son drame de Sydnei renferme quelques scènes intéressantes, mais en général il est froid, et manque de cette invention, de ces ressorts qui sont nécessaires au théâtre.
Quant au Méchant, est-ce de bonne foi qu’on peut le placer immédiatement après les chefs-d’œuvre de Molière, et à côté du Joueur, de Turcaret et de la Métromanie ? Le Méchant mérite sans doute des éloges sans restriction, sous le rapport de la pureté, de la facilité, de l’esprit et de l’élégance de sa versification. Mais n’est-ce point là l’unique mérite de cette comédie ? Et, comme le dit Voltaire, ne faut-il pas bien d’autres choses pour consommer cette œuvre du démon ? choses, que le seigneur de Ferney lui-même n’a jamais pu rassembler. La lecture du Méchant plaît aux gens de goût ; à la représentation, cet ouvrage a toujours paru et paraîtra toujours froid.
Gresset, outre les travaux principaux que nous venons d’indiquer, est encore auteur de beaucoup d’autres poésies. Il a publié les Ombres, une charmante épître à sa sœur, une autre au père Bougeant. Il s’essaya à traduire les Eglogues de Virgile et à imiter les Bucoliques. Ses regrets et sa reconnaissance pour ses maîtres sont consignés dans la pièce de vers intitulée : Adieux aux Jésuites.
Il livra aux flammes, dit-on, trois comédies inédites : l’Esprit à la Mode, le Secret de la Comédie, et le Monde tel qu’il est. En 1810, on publia à Paris un poème en dix chants, composé par lui vers 1760, et intitulé : le Parrain Magnifique. On y trouve une faconde assez brillante et quelques vers dignes de l’auteur du Méchant ; du reste, peu de verve et d’imagination.
Gresset fut appelé à Paris en 1774 pour répondre au discours de réception de Suard à l’Académie française. La réunion du véritable talent à la piété, et au respect pour les mœurs, valut à Gresset, de la part du vertueux Louis XVI, un accueil qui devait le consoler de la rigueur de Louis&nsp;XV. Il reçut des lettres de noblesse, le cordon de l’ordre de Saint-Michel, et Monsieur, depuis Louis XVIII, le nomma historiographe de l’ordre de Saint-Lazare.
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