Favart, né à Paris le 13 novembre 1710, était fils d’un pâtissier fameux de cette capitale. Le père faisait d’excellents pâtés ; le fils composa d’excellents opéras comiques et de jolies comédies. Nous ne parlerons que pour mémoire de son Discours sur la difficulté de réussir en poésie, et de son poème de la France délivrée par la Pucelle d’Orléans.
Il a donné sur le théâtre de l’Opéra-Comique, dont il était directeur, une foule d’ouvrages, presque tous en vers, où l’on trouve de l’esprit naturel, de la facilité, de la grâce et des idées ingénieuses. On prétend que l’abbé de Voisenon l’aidait dans ses compositions ; ce fait paraît douteux, car Favart avait un cachet, au coin duquel toutes ses pages sont marquées : le travail de deux personnes ne s’y fait jamais remarquer. Il est encore auteur de deux comédies : les Trois Sultanes et l’Anglais à Bordeaux.
L’envie et la cabale s’agitèrent contre les succès de l’Opéra-Comique. Un ordre fit fermer ce théâtre en 1745. Favart obtint la direction d’une troupe de comédiens dont le maréchal de Saxe se faisait accompagner à l’armée de Flandre. Sa femme, actrice charmante, fit les beaux jours des haltes de nos bataillons ; elle chantait sur un théâtre de campagne les couplets de son mari. En voici un qui fut commandé à Favart par le maréchal, la veille de la bataille de Rocourt, qui se déroula le 11 octobre 1746 :
Demain nous donnerons relâche, Quoique le directeur se fâche ; Vous voir comblerait nos désirs : On doit céder tout à la gloire ; Nous ne songeons qu’à vos plaisirs ; Vous, ne songez qu’à la victoire. |
Par malheur pour Favart, le maréchal de Saxe songea encore à l’amour, et rendit les armes aux charmes de la femme du directeur. Madame Favart fut sage, c’est à merveille ; mais une lettre de cachet sépara la femme et le mari. Cette vengeance est indigne du célèbre guerrier qui l’exerça. Enfin la réunion conjugale eut lieu bientôt après à Paris, où Favart se consacra entièrement à la culture de l’art dramatique.
Crébillon lui adressa le quatrain suivant après la représentation de la Chercheuse d’esprit :
Il est un auteur en crédit Dont la muse a le don de plaire : Il fit la Chercheuse d’esprit, Et n’en chercha point pour la faire. |
Nous terminerons en citant quelques lignes de La Harpe : « Favart est le premier qui ait tiré l’opéra-comique de son ancienne et longue roture, et en cela il fit ce que n’avait pu faire ni Lesage, ni Piron, ni Boissy, ni Fagan : car ces deux derniers ont aussi laissé, mais dans un entier oubli, quantité d’opéras comiques. C’est une nouvelle preuve qu’il n’est pas toujours vrai que qui peut le plus peut le moins, puisque les auteurs de la Métromanie, de l’Homme du jour et de Turcaret n’ont pu faire un seul opéra comique qui ne fût loin, mais très loin de ceux de Favart. »
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