Le maréchal de Richelieu, après avoir soustrait la présidente de Saint-Vincent à l’autorité de sa famille, et l’avoir promenée avec lui à Tarbes, à Poitiers, à Paris, avait fini avec elle comme avec toutes les autres femmes qu’il allait séduisant et abandonnant. Quelques mois après la mort de Louis XV, il circula dans Paris pour cent mille écus de billets, signés le maréchal de Richelieu, et dont quelques-uns furent présentés pour être payés à leur échéance : l’intendant du maréchal, effrayé du nombre de ces billets, en écrivit à son maître alors à Bordeaux, qui lui répondit que tous ceux qui s’étaient présentés étaient des fripons.
La présidente, qui avait mis ces billets en émission, fut mise à la Bastille, par ordre de M. de la Vrillîère. Le maréchal rendit plainte au Châtelet, en faux, contre la présidente, ses fauteurs, complices et adhérents ; l’accusée déclarait que si les mandats étaient faux, elle les avait reçus tels du maréchal ; elle produisit vingt-deux lettres, dont quelques-unes étaient entièrement écrites de sa main, et montraient l’origine de ces billets.
L’affaire devint tellement compliquée, qu’elle n’eût jamais été jugée du vivant du maréchal, si le parlement d’Aix n’eût réclamé la justice due à l’épouse d’un des présidents de cette compagnie.
L’arrêt définitif fut assez bizarre : les billets furent déclarés faux ; et cependant, sur l’accusation portée en faux par le maréchal contre la présidente, les parties furent mises hors de cour : les fiais énormes de ce procès restèrent entièrement à la charge du maréchal, qui fut en outre condamné a payer une somme de soixante-cinq mille livres à tous les autres accusés.
« Vous ne vous souciez guère du procès de M. de Richelieu, écrit madame du Deffand à Horace Walpole : on dit qu’il l’a gagné. Comme je n’entends pas les affaires, je croirais en lisant son arrêt, que lui et sa partie l’ont tous deux perdu. »
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