LA FRANCE PITTORESQUE
26 décembre 1731 : mort
de la Motte-Houdart.
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Publié le mardi 25 décembre 2012, par Redaction
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La Motte-Houdart, né à Paris en 1672, est célèbre par sa tragédie d’Inès de Castro, l’une des plus intéressantes qui soient restées au théâtre, par de très jolis opéras, et par quelques odes qui lui firent d’abord une très grande réputation. Sa prose est encore très estimée. Il fit le discours du cardinal Dubois, lorsqu’il fut reçu à l’Académie française, le manifeste de la guerre de 1718, et le discours du cardinal de Tencin, à l’ouverture du concile d’Embrun. Ce dernier trait est remarquable. Un archevêque condamne un évêque, et c’est un auteur d’opéras et de comédies qui fait le sermon de l’archevêque.

Les fables de la Motte ont eu quelque succès, même après celles de La Fontaine. Elles en auraient eu peut-être davantage, s’il eût voulu être la Motte, et non pas La Fontaine. Il cherche quelquefois dans ses prologues et dans ses réflexions, à badiner comme son modèle ; mais ces grâces étrangères deviennent chez lui autant de grimaces. Il ne s’est pas souvenu de la fable de La Fontaine :

Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce.

Sa traduction en vers de l’Iliade d’Homère, qu’il réduisit en douze chants, enfanta une grande querelle parmi les savants, qui prirent parti, les uns pour le traducteur, les autres pour madame Dacier, amante passionnée d’Homère, qu’elle avait traduit en prose. Rousseau, ennemi de la Motte, ne manqua pas d’entrer dans la querelle.

Le traducteur qui rima l’Iliade,
En douze chants prétendit l’abréger ;
De douze en sus il a su l’allonger.
(...)
Rendons-les courts en ne les lisant point.

La Motte fut surtout maltraité par Malezieu, de l’Académie française et de celle des sciences, qui composa la fable suivante, où le traducteur de l’Iliade est représenté sous l’emblème d’un âne logé chez un philosophe qui avait beaucoup de livres.

Un beau jour l’appétit l’éveillant du matin,
Il rompt sa corde, enfile le chemin
Qui conduisait au cabinet des livres ;
Cherchant de tous côtés quelqu’espèce de vivres,
Pour apaiser sa dévorante faim.
Le maître était sorti ; la porte était ouverte ;
L’âne saisit l’occasion offerte,
Et voyant qu’il y faisait beau,
Qu’il était seul, exempt de bastonnade,
Il attaqua la superbe Iliade,
Mets pour un âne tout nouveau.
Elle était au sommet de ce sacré coteau,
Que de livres mêlés formait la pyramide.
Il la fit tomber à ses pieds,
Puis furent par sa gueule avide
Douze chants engloutis, et douze estropiés.
Dans ce moment survint un philosophe,
Qui vit avec douleur la triste catastrophe :
« Quel est donc le destin du fameux Ilion ?
« S’écria-t-il, outré d’affliction.
« Un sort injurieux à périr le condamne,
« Jadis par un cheval, aujourd’hui par un âne. »

Les principaux amis de la Motte furent la duchesse du Maine, la marquise de Lambert, le marquis de Saint-Aulaire, et Fontenelle. Il fut de bonne heure privé de l’usage des yeux, et ne se servait que de ceux d’un neveu « dont les soins constants et infatigables pendant vingt-quatre années, méritent, dit Fontenelle, l’estime et la reconnaissance de tous ceux qui aiment les lettres, ou qui sont sensibles à l’agréable spectacle que donnent des devoirs d’amitié bien remplis. »

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