Ministre de la marine sous l’empire et dans les Cent-Jours, Decrès, né à Chaumont le 22  juin 1761, s’était voué de bonne heure aux armes et au service de mer. Comme simple garde-marine, il se signala par un trait de bravoure éclatant, dans la malheureuse bataille, livrée le 13 avril 1781 par le comte de Grasse dans la mer des Antilles. Son avancement fut rapide : au combat d’Aboukir, il commandait, en qualité de contre-amiral, l’escadre légère d’observation.
Entré à Malte, il coopéra pendant dix-sept mois à la défense de cette place : quand tout espoir se fut évanoui, il appareilla sur le Guillaume Tell, et se précipita au milieu de l’escadre anglaise : entouré, foudroyé de toutes parts, il fut pris, ou plutôt sauvé, après avoir sauté sur la dunette de son vaisseau.
Rendu à la France par suite d’un échange, il reçut le 1er octobre 1802, le portefeuille de la marine. Les promotions, les honneurs s’amoncelèrent sur lui, et cependant il ne fut créé duc qu’en 1813. L’opinion publique attribuait à son administration la funeste issue de l’expédition de Saint-Domingue. D’ailleurs cette administration fut singulièrement active : pendant sa durée de treize ans, quatre-vingt-treize vaisseaux de ligne et soixante frégates sortirent des chantiers français : les admirables travaux de Cherbourg et d’Anvers s’achevèrent.
La pensée impériale avait trouvé en Decrès un exécuteur digne d’elle. Les deux restaurations de 1814 et de 1815 lui enlevèrent deux fois son portefeuille : Decrès périt victime du crime d’un domestique qui, pour le voler, tenta de le faire sauter dans son lit ; ce genre de mort n’eut que le triste avantage de rappeler à l’ex-ministre un des beaux exploits de sa vie.
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