Les amis de Corneille ne manquèrent pas de dire que cette pièce égalait, et passait même les meilleures qu’il eût données ; il ne faut pas être étonné si Corneille, qui voulait ignorer la diminution de ses forces, adopta un sentiment qui flattait son amour-propre, et s’il se prévalut de cette opinion dans la préface de sa pièce.
« Après Agésilas, dit Fontenelle (Fontenelle était neveu de Corneille), vint Othon, ouvrage où Tacite est mis en œuvre par le grand Corneille, et où se sont unis deux génies si sublimes. Corneille y a peint la corruption de la cour des empereurs, du même pinceau dont il avait peint les vertus de la république. »
Despréaux n’en jugeait pas de même, et il n’était pas content de cette tragédie, qui se passe toute en raisonnements, et où il n’y a point d’action tragique. Il disait même, qu’il avait eu cette pièce en vue dans ces quatre vers de son Art poétique :
Vos froids raisonnements ne feront qu’attiédir Un spectateur toujours paresseux d’applaudir, Et qui des vains efforts de votre rhétorique Justement fatigué, s’endort, ou vous critique. |
Othon est une de ces productions du grand Corneille, où il n’est grand que dans un seul endroit. Il est question de trois ministres pervers qui se disputaient les dépouilles de l’empire romain, sous le règne passager du vieux Galba :
On les voyait tous trois s’empresser sous un maître Qui, chargé d’un long âge, a peu de temps à l’être, Et tous trois à l’envi s’empresser ardemment A qui dévorerait ce règne d’un moment. |
Dévorer un règne ! quelle effrayante énergie d’expression, dit La Harpe. Et cependant elle est claire, juste et naturelle : c’est le sublime.
Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.
