LA FRANCE PITTORESQUE
15 juillet 1801 : Concordat
entre la France et le pape
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Publié le samedi 14 juillet 2012, par Redaction
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Le 25 mars 1802 fut signé à Amiens un traité par lequel la France recouvrait tout ce qu’elle avait perdu et conservait tout ce qu’elle avait conquis. Un autre traité, publié le 6 avril, la réconcilia avec le monde chrétien : c’était le concordat conclu l’année précédente entre le pape Pie VII et le premier consul.

Signé le 15 juillet 1801, Bonaparte n’avait pas cru devoir encore lui donner de publicité : il présumait avec raison qu’alors une transaction de cette nature ne serait pas vue d’un œil favorable par l’universalité des Français ; mais, pensant que, par suite de l’enthousiasme que la pacification générale excitait, les esprits seraient disposés à plus de complaisance, il se résolut à la présenter enfin à l’approbation de la législature.

Cette approbation fut loin d’être unanime. Pour les républicains, le concordat semblait moins fait dans l’intérêt de la nation que dans l’intérêt de son chef ; c’était, selon eux, un acte de condescendance, par lequel la politique de Bonaparte cherchait à se concilier les catholiques en France, comme elle s’était concilié les musulmans en Egypte, pour en faire l’appui de sa domination ; ils pensaient que si la justice et la raison voulaient que tous les cultes fussent protégés en France comme ils le sont dans les Etats-Unis d’Amérique, la justice et la raison défendaient qu’il y eût en France un culte privilégié, et que les réserves qu’on apporterait aux prétentions des papes n’empêcheraient pas qu’il n’y eût de grands inconvénients à rétablir chez nous leur autorité, autorité excentrique, dont les lois et les intérêts ne sont pas toujours d’accord avec ceux de l’autorité séculière.

Les Brumairiens d’une part, qui voyaient dans la religion favorisée la religion de l’Etat, s’étonnaient qu’à l’exemple du roi d’Angleterre et de l’empereur de Russie, le chef de l’Etat ne se mît pas à la tête de la religion, et qu’il ne profitât pas de l’occasion pour fortifier le pouvoir qu’il possédait de tout le pouvoir qu’il ressuscitait. Le premier consul, disaient-ils, en croyant se donner pour appui les papistes, ne fait que rendre de la force en France aux partisans du pape.

Des considérations particulières excitaient le mécontentement des hommes qui ne jugent des choses que relativement à leurs intérêts pris dans le sens le plus étroit. Les préfets, les commandants des divisions militaires, enfin la majeure partie des fonctionnaires publics, gens qui, tout résignés qu’ils étaient à servir, n’en étaient pas moins ambitieux de commander, ne voyaient pas sans déplaisir, dans la résurrection de la juridiction ecclésiastique et dans le rétablissement des archevêchés et des évêchés, l’organisation d’une autorité rivale de la leur. Ainsi, la mesure prise par le premier consul ne satisfaisait guère que ceux qui espéraient en tirer parti contre lui. C’est aux hommes qui écrivent sur l’histoire à discuter la justesse de ces diverses opinions. Le chroniqueur se contente de les rapporter.

L’utilité d’un Concordat admise, on reconnaîtra toutefois que celui de 1801 fut rédigé avec toute la prudence que les circonstances commandaient ; on en pourra juger par les dispositions suivantes :

Il déterminait le nombre des diocèses et leur circonscription, d’après la nouvelle division du territoire français ; il exigeait des évêques et archevêques titulaires la démission de leurs sièges ; conférait au premier consul le droit d’y nommer, et imposait au chef de l’Eglise l’engagement de délivrer l’institution canonique aux nouveaux évêques, dans les trois mois qui suivraient la promulgation de la bulle ; il astreignait les évêques, avant d’entrer en fonctions, à prêter serment de fidélité entre les mains du premier consul ; il statuait que, dans toutes les églises, à la fin du service divin, on réciterait pour les consuls et pour la république la prière qui se faisait anciennement pour les rois ; que les églises non aliénées seraient rendues au culte, et que Sa Sainteté, en compensation, ratifiait la vente des biens ecclésiastiques et les déclarait propriétés incommutables entre les mains des acquéreurs ; le clergé était salarié par le trésor ; il ne pouvait posséder aucun bien-fonds, mais il lui était permis de recevoir des donations en rentes sur l’Etat, avec l’autorisation spéciale du premier consul.

Des articles organiques annexes à ce Concordat, et fondés sur la déclaration faite, en 1682, par le clergé de France, et rédigée par Bossuet, portaient, pour complément, que les légats ne pourraient, sans autorisation, exercer aucune profession relative aux affaires de l’Eglise de France ; qu’ils prêteraient serment de ne rien entreprendre contre les droits et les libertés de ladite Eglise, et de se conformer en tout aux lois de l’Etat ; qu’aucune bulle, aucun bref ou rescrit venant de Rome ne pourrait être publié ou exécuté sans la permission du gouvernement ; point de concile national, nulle assemblée ecclésiastique sans son autorisation expresse ; l’appel comme d’abus était rétabli contre toute atteinte aux lois de la république, contre toute infraction des canons reçus en France, contre les attentats aux libertés de l’Eglise gallicane. Par contre poids à la faveur dont il gratifiait les catholiques, le gouvernement fit présenter en même temps à l’approbation du Corps législatif des lois organiques pour le culte protestant, et proclama la tolérance de tous les cultes. Ce mot de tolérance, il faut le dire, blessa les philosophes : il leur semblait peu d’accord avec l’esprit du siècle et avec l’esprit de la constitution française.

Quoi qu’il en soit, le Concordat fut adopté à une grande majorité par la législature ; la promulgation en fut faite le jour de Pâques, avec un appareil depuis longtemps tombé en désuétude. Les consuls, accompagnés du Corps législatif, du tribunat, du conseil d’Etat et des principaux fonctionnaires, tant militaires que civils, se rendirent à la métropole, où ils assistèrent à une messe, célébrée par le cardinal-légat, en actions de grâces, tant à l’occasion du traité conclu avec l’Eglise que du traité conclu avec l’Angleterre. L’éclat de cette solennité édifia moins les catholiques qu’il ne scandalisa les républicains, qui virent ce jour-là le clergé’ rendre au premier consul, assis sur un trône, des honneurs qu’il n’accordait qu’à des têtes couronnées. Parmi les évêques qui assistaient le cardinal officiant, on remarquait le fameux abbé Bernier, antérieurement curé de Saint-Lô : il remplissait les fonctions de maître des cérémonies. Les militaires n’étaient pas peu contrariés de se voir contraints à manœuvrer, pour ainsi dire, au signal qui leur était donné par ce prêtre, contre lequel ils avaient si longtemps guerroyé dans la Vendée.

C’est à cette occasion qu’on substitua le calendrier grégorien au calendrier républicain, et la semaine à la décade.

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