Il dut sa faveur auprès de François Ier, à un trait hardi et singulier. Dans le temps que François Ier n’était encore que duc d’Angoulême, Duprat, qui était son gouverneur, s’aperçut qu’il était devenu amoureux de Marie d’Angleterre, épouse de Louis XII, qui n’avait point encore d’enfants. La reine (à ce qu’on prétend) avait accordé un rendez-vous au jeune prince, qui se glissa pendant la nuit, par un escalier dérobé ; il était prêt à entrer dans l’appartement de Marie, lorsqu’un homme robuste l’enlève tout à coup, et l’emporte interdit et furieux.
Cet homme ne tarda pas à se faire connaître, c’était Duprat. Quoi ! dit-il au duc avec vivacité, vous voulez vous donner vous-même un maître ; et vous alliez sacrifier un trône à un instant de plaisir ! Le duc d’Angoulême, loin de lui savoir mauvais gré de cette leçon, lui en marqua sa reconnaissance dès qu’il fut roi, et le fit chancelier en 1515.
Ce fut lui qui conclut avec les ministres du pape Léon X, ce fameux concordat, source de tant de querelles en France, par lequel le pape remettait au roi le droit de nommer aux bénéfices de France, et le roi accordait au pape les annates des grands bénéfices. Duprat recueillit bientôt les fruits de son dévouement à la cour de Rome. Ayant embrassé l’état ecclésiastique, il fut élevé successivement aux évêchés de Meaux, d’Albi, de Valence, de Die, de Gap, à l’archevêché de Sens, enfin à la pourpre, en 1527.
Né avec une insatiable avarice, Duprat employa tous les moyens de s’enrichir, et amassa des trésors immenses pour ce temps-là. Le roi fut obligé de mettre un frein à son avidité, et ne répondit plus que par ce demi-vers de Virgile, à toutes les demandes de Duprat : Sat prata bibere.
Après la mort du pape Clément VII, Duprat conçut le dessein de monter sur le Saint-Siège ; François Ier, à qui il en parla, lui ayant répondu qu’il en coûterait trop, il répliqua qu’il fournirait quatre cent mille écus. François Ier envoya prendre, le lendemain, ces quatre cent mille écus chez Duprat, et les fit porter à l’épargne.
Duprat avait fait bâtir une salle à l’Hôtel-Dieu, appelée la salle du Légat. « Il faut qu’elle soit bien grande, dit le roi, s’il veut y renfermer tous les malheureux qu’il a faits. » Aussitôt qu’il fut décédé, François Ier voulant partager ses dépouilles, fit un emprunt forcé de cent mille écus à ses héritiers.
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