Le 27 septembre 1821, la crainte de voir une fièvre jaune progressant de façon alarmante en Catalogne et dans d’autres provinces espagnoles, étendre ses ravages en France, détermine Louis XVIII à rendre une ordonnance prescrivant provisoirement des mesures drastiques.
N° 32 de La France pittoresque (octobre/novembre/décembre 2009) |
|
Mais la troublante concomitance entre ce qui est alors présenté comme un imminent fléau menaçant notre pays, et les soulèvements populaires démocrates agitant l’Europe et notamment l’Espagne, font bientôt débat, tant dans la presse qu’à la Chambre des députés, après le déploiement d’un cordon sanitaire sur la frontière des Pyrénées et la préparation d’un projet de loi prévoyant d’appliquer jusqu’à la peine de mort à quiconque refusera de se soumettre aux dispositions gouvernementales prétendument vitales. En 1822, L’Observateur des sciences médicales qui dénonce leur caractère scientifiquement infondé et la surdité des autorités, argue d’un mémoire de Jean Devèze, médecin du roi qui n’admet pas au nombre des épidémies une fièvre ne se communiquant point aux personnes soignant les malades :
« Si vers le milieu du siècle dernier on a vu, à propos de la petite vérole et de l’inoculation, (...) un homme de génie lutter seul avec courage contre de nombreux adversaires, renverser par ses expériences et ses recherches l’antique opinion et les préjugés d’une Faculté célèbre, et ramener enfin à la vérité de ses idées les contemporains même qui les combattaient avec le plus d’acharnement, que doit-on penser à l’époque actuelle en voyant un médecin célèbre soutenir presque seul avec autant de courage que de franchise, une opinion médicale que, par respect pour les lois, on sera bientôt forcé de ne plus défendre ».
Si le 20 février de cette même année, un amendement proposant d’ériger la Chambre des députés en garant de la bonne application de la loi de police sanitaire est rejeté, le monarque repousse en outre le 4 juin suivant l’idée d’une guerre prochaine entre la France et l’Espagne, affirmant que la malveillance seule a pu trouver, dans le maintien du cordon sanitaire, un prétexte pour dénaturer ses intentions ; mais ce sont bien près de 100 000 hommes appartenant à ce « corps d’observation » qui entrent en Espagne en 1823 pour y rétablir le trône, l’Histoire nous enseignant ainsi que la mise en œuvre de mesures sanitaires peut en réalité n’être que le prétexte d’une grossière manœuvre politique...
Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque
Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.
