Dans un pays où quelque 12% des adultes éprouvent des difficultés avec l’écriture, peut-être la réhabilitation de la dictée scolaire n’est-elle pas la panacée mais constitue-t-elle un important maillon dans la défense d’une orthographe que beaucoup ont naguère voulu « réformer », euphémisme cachant une simple volonté de dénaturer pour simplifier.
N° 12 de La France pittoresque (octobre/novembre/décembre 2004) |
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Voici plus d’un siècle, face aux fossoyeurs d’une dictée brandissant la complexité du français pour justifier leur souhait, l’auteur de l’École moderne s’insurgeait : « N’est-ce pas grâce à elle que l’enfant acquiert les plus indispensables connaissances ? Elle enseigne à l’écolier l’art de s’exprimer avec correction, avec élégance. N’a-t-elle pas pour utilité de suppléer, par sa richesse, à la pauvreté de son vocabulaire ? Ne met-elle pas à sa disposition toutes les notes de ce clavier humain dont tout d’abord il bégaie à peine les premiers sons ? Ne vient-elle pas à son aide pour l’amener à traduire ses impressions, à rendre avec quelque précision et quelque abondance ses ébauches de composition ? »
En son temps, Bossuet s’indignait déjà de velléités réformatrices, écrivant que l’Académie « ne peut souffrir une fausse règle qu’on a voulu introduire d’écrire comme on prononce ». Il ajoutait que « si l’on écrivait tans, chans, cham, (...) anterreman... qui reconnaîtrait ces mots ? On ne lit point lettre par lettre, mais la figure entière du mot fait son impression tout ensemble sur l’œil et sur l’esprit, de sorte que quand cette figure est considérablement changée tout à coup, les mots ont perdu les traits qui les rendent reconnaissables à la vue et les yeux ne sont point contents ».
L’influence croissante des images, la désaffection pour la lecture et un goût prononcé pour d’onéreux textos glorifiant l’orthographe phonétique, n’auront-ils pas tôt fait, si l’on n’y prend garde, de sonner le glas d’une langue française malmenée ?
Valéry VIGAN Directeur de la publication La France pittoresque | |
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