Le marquis de Feuquière, né à Paris en 1648, prit le mousquet dès l’âge de dix-huit ans, fit toutes les campagnes depuis 1667 jusqu’en 1697, et s’éleva du grade d’enseigne à celui de lieutenant-général. Sans avoir eu jamais de commandement en chef, il contribua au gain de plusieurs affaires importantes. A Spirebach, avec un corps de trois mille hommes, il arrêta l’armée entière du prince de Bade, et déconcerta tous ses plans ; à Nervinde, il seconda puissamment le maréchal de Luxembourg.
Le courage et les talents de Feuquière furent souvent ternis par des actes qui annoncent un défaut total d’humanité et de délicatesse. Il rançonnait les pays conquis, s’enrichissait de leurs dépouilles, avec l’autorisation de Louvois, et quelquefois livrait les cités aux flammes, et les garnisons au fil de l’épée, sous le prétexte d’odieuses représailles.
Les écrits de Feuquière ont servi l’art militaire plus encore que ses exploits : on lui doit des Mémoires sur la guerre qui contiennent une analyse savante de toutes les guerres de son temps. C’est le premier traité de tactique qui ait paru dans notre pays. Le seul reproche qu’on adresse à son auteur, c’est d’avoir parlé de quelques-uns de ses rivaux avec trop de sévérité.
Feuquière n’avait pas été employé dans la guerre de 1701 : on attribue sa disgrâce à un langage trop libre sur les opérations et sur les personnes. Douze heures avant sa mort, il écrivit à Louis XIV une lettre dans laquelle il lui recommandait son fils : « Je sais, lui disait-il, que j’ai déplu à Votre Majesté ; et, quoique je nie sache pas trop en quoi, je ne m’en crois pas moins coupable. » Cette forme de pétition était dans le goût du vieux monarque ; aussi obtint-elle un plein succès.
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