En France, depuis la révocation de l’édit de Nantes, les protestants étaient forcés de cacher leur culte et leurs mystères, comme jadis à Rome les chrétiens de la naissante Eglise : près de Nîmes, ils se réunissaient dans un lieu retiré, qu’on appelait le Désert.
Le premier jour de l’année 1766, le jeune Fabre s’y trouvait avec son père : des troupes fondent sur l’assemblée ; chacun cherche son salut dans la fuite ; mais Fabre, voyant que son malheureux père est tombé dans les mains des soldats, revient en hâte, se jette aux genoux du chef, et lui demande, comme un bienfait la permission de remplacer son père.
Fabre l’obtient : il est jugé, condamné aux galères. Le duc de Mirepoix, commandant en chef de la province du Languedoc, lui offre sa grâce, si le ministre Paul Rabaut consent à sortir du royaume. Fabre se sacrifie à ses opinions, comme il s’est immolé aux sentiments de son cœur. Il revêt l’ignoble livrée du crime, il est chargé de fers et conduit à Toulon. Il y passe six années, et là dans l’infâme société qui l’environne, peut-être les égards de l’intendant et des principaux officiers de la marine eussent-ils rendu son malheur tolérable, sans l’inflexible rigueur d’un ministre, le comte de Saint-Florentin, si célèbre par la légèreté barbare avec laquelle il se jouait de l’honneur et de la liberté des hommes.
Fabre imagine un moyen d’instruire le duc de Choiseul, qui signe sa délivrance. Rendu à sa famille le 21 mai 1762, Fabre n’y revient que pour assister à la mort de son père. Des âmes nobles et généreuses s’intéressent à lui : mais le comte de Saint-Florentin le persécute toujours ; il arrête pendant’ plusieurs années la réhabilitation du jeune homme ; il empêche une souscription de cent mille francs proposée en sa faveur. Le duc de Choiseul allait tout réparer par ses bienfaits, il est disgracié.
Le bonheur que Fabre trouva dans l’hymen d’une parente qu’il aimait depuis son enfance, fut la seule indemnité que lui offrit sa destinée. Son histoire valut un grand succès à un dramaturge médiocre, Fenouillot de Falbaire : Fabre servit de type à l’Honnête criminel.
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