LA FRANCE PITTORESQUE
Histoire de France : année 1524
(Règne de François Ier depuis le 1er janvier 1515)
Publié le vendredi 9 avril 2010, par Redaction
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Bonnivet, soutenu par la duchesse d’Angoulême, continue la guerre qu’il avait commencée l’année précédente en Italie. Les Suisses l’abandonnent ; il fait la retraite de Rebec, où son arrière-garde est défaite par le connétable de Bourbon, qui reprend ce que Bonnivet venait de conquérir : « ainsi en prend aux généraux élus par faveur de cour » (Mémoires de Tavanes).

Au mois d’avril 1524, Bonnivet est forcé de se diriger vers le Saint-Bernard, pour faire par là sa retraite ; mais de Novarre à Ivrée, il est harcelé par l’armée impériale, qui le poursuit ; il y est blessé lui-même, ainsi que plusieurs de ses officiers ; et Bayard, qui n’avait jamais commandé en chef, mais qui avait obtenu l’admiration des deux armées par une touchante union de bravoure et de bonté, de simplicité et de générosité, y est tué le 30 avril 1524. Agé d’environ cinquante ans, il avait mérité le surnom de chevalier sans peur et sans reproche ; les ennemis renvoyèrent son corps en France avec de grands honneurs : il laissa une fille naturelle, mère de Chastelard, à qui la reine d’Ecosse fit trancher la tête pour avoir osé lui parler d’amour. Le Milanais est totalement perdu pour le roi.

Le connétable fait le siège de Marseille, qu’il est obligé de lever. La rupture avait éclaté entre François Ier et Charles-Quint. Le connétable de Bourbon, poursuivi par la haine de Louise de Savoie, entra avec Henri VIII et l’empereur dans un odieux complot, dont le but était le démembrement de la France. Découvert, il se réfugia auprès de Charles-Quint, auquel il conseilla d’entrer en Provence. L’empereur lui associa le marquis de Pescaire, et leur fit passer le Var avec quinze mille hommes.

Lannoy, vice-roi de Naples, devait bientôt les suivre avec six mille hommes d’armes, et Hugues de Moncade devait assurer les transports de vivres et d’artillerie, avec une flotte de seize galères. De son côté, le roi de France chargea le Génois André Doria, alors à son service, de veiller sur les côtes avec sa flotte, tandis qu’il rassemblait une armée pour venir délivrer la Provence envahie.

La flottille de Doria rencontra, le 4 juillet, Philibert de Chalon, prince d’Orange, l’un des seigneurs français qui avaient suivi la fortune du connétable, revenant de Barcelone avec deux vaisseaux. Ils furent capturés par l’amiral de François Ier. Le prince d’Orange, fait prisonnier avec plusieurs seigneurs espagnols, fut enfermé dans la tour de Bourges.

La même flotte attaqua, le 7 juillet, devant l’embouchure du Var, la flotte espagnole de Hugues de Moncade ; elle lui coula à fond trois galères, et força le reste à abandonner les côtes de Provence. Cet échec, joint à l’approche de François Ier, qui venait par terre avec trente mille hommes de troupes et quinze cents hommes d’armes, détermina le duc de Bourbon à lever le siège de Marseille qu’il avait entrepris : le sire de Chabannes le poursuivit dans sa retraite, et lui enleva une partie de ses équipages.

Les revers n’abattaient point François Ier, mais ils ne lui enseignaient point non plus la prudence. Il vivait dans une dissipation trop constante pour comprendre les leçons pie la fortune lui donnait. Il perdit sa femme Claude, fille de Louis XII, le 20 juillet 1524, sans que la maladie ou la mort de cette modeste et vertueuse princesse suspendissent un moment son libertinage.

A cette époque il était entré en Provence, pour repousser l’armée impériale qui assiégeait Marseille. Le duc de Bourbon avait persuadé à Charles-Quint que sa présence suffirait pour soulever la moitié de la France. Un certain nombre de gentilshommes s’étaient en effet attachés au prince proscrit, entre autres Philibert de Chalon, prince d’Orange, le plus puissant des seigneurs bourguignons, qui avait de son côté éprouvé une criante injustice. Mais les peuples étaient indifférents à la querelle de l’un et de l’autre. Ils ne voyaient point dans Bourbon le représentant héréditaire de leur province. L’esprit de la féodalité n’avait pu se maintenir même dans le plus ancien et le plus puissant des apanages.

Ce n’était pas, il est vrai, le patriotisme qui avait pris sa place ; la noblesse était toujours prête à combattre, par point d’honneur ou par avidité, et pour et contre la France ; mais la masse du peuple ne savait qu’obéir et souffrir. En effet, dans cette période si belliqueuse, les bourgeois, les paysans, avoient presque renoncé aux armes ; ce n’était point de Français que se composaient les armées françaises. Sur trente mille fantassins que François conduisit en Provence pour repousser l’invasion des impériaux, quatorze mille étaient Suisses, six mille Allemands, trois ou quatre mille Italiens, et à peine six mille étaient Français.

Cette armée, appuyée par quinze cents lances de noblesse française, ne vit pas même l’ennemi. Pescara et Bourbon, avertis de son approche, firent leur retraite par la rivière de Gênes, du 28 septembre au 8 octobre, sans l’attendre. Mais les courtisans de François lui persuadèrent que sa dignité royale serait compromise si, après s’être mis à la tête d’une grande armée, il ne se signalait pas par quelque action d’éclat. Aussi, quoique la saison fût déjà avancée, il rebroussa chemin vers les montagnes du Dauphiné ; il traversa les Alpes de Saluces, et il arriva à Pignerol le 17 octobre.

Ses meilleurs généraux blâmaient un passage si tardif ; toutefois l’armée impériale, qui, presque en même temps, revenait de Provence, était alors découragée, fatiguée, affaiblie par les maladies, manquant d’argent et de munitions. Si François avait agi contre elle avec promptitude, avec résolution, il aurait rejeté au-delà des Alpes du Friuli ces troupes éparses, avant qu’elles pussent se réunir. Il aurait soulevé les Italiens, que les atroces exactions des Espagnols et des Allemands réduisaient au désespoir ; il aurait fait entrer dans son alliance le pape Clément VII, qui, le 18 novembre 1525, avait succédé à Adrien VI ; il y aurait raffermi la république de Venise, qui vers le même temps avait été contrainte de renoncer à l’amitié de la France.

Mais le roi ne connaissait pas les premiers principes de l’art de la guerre ; il ne concevait pas qu’il fallût à un général autre chose que de la bravoure ; il n’avait pas plus d’idée de l’administration militaire que de l’administration civile ; et avec une complète incapacité pour les affaires, il agissait d’après un inflexible entêtement, il ne voulait croire personne, et il ne soumettait sa conduite qu’à une seule règle, celle de préserver en toute chose sa dignité royale, dont il était toujours préoccupé.

François ne poursuivit point Lannoy et Pescara, parce que la dignité d’un roi de France ne lui permettait pas de laisser derrière lui des villes et des citadelles en état de révolte ; il n’entra pas dans Milan, parce qu’il n’était pas de sa dignité d’entrer dans une ville dont le château tenait pour un autre. Il vint donc, le 28 octobre, mettre le siège devant Pavie ; bientôt il convertit ce siège en blocus. Pescara, voyant qu’il n’était pas poursuivi, s’était arrêté à Lodi, avec son infanterie espagnole ; Bourbon avait été lever des landsknechts en Allemagne et les lui ramenait. Déjà le roi était averti que l’armée de ces deux généraux grossissait chaque jour, qu’elle était aussi nombreuse que la sienne, et cependant il détacha de celle-ci une forte division qu’il envoya vers le Midi, pour tenter une révolution dans le royaume de Naples.

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