Cet acte, entièrement déterminé par des intérêts de parti et de circonstance, ne mériterait aucune mention, s’il n’offrait l’exemple unique de l’application d’un texte de loi, qui donne à la Chambre des Députés droit de juridiction dans sa propre cause : déjà la Chambre des Pairs avait appliqué la même disposition contre l’éditeur du Drapeau Blanc, le 22 février 1828, l’article 15 de la loi du 22 mars 1822 porte que « dans le cas d’offense envers les Chambres, ou l’une d’elles, par l’un des moyens énoncés en.la loi du 17 mai 1819, la Chambre offensée, sur la simple réclamation d’un de ses membres, pourra, si mieux elle n’aime autoriser les poursuites par la voie ordinaire, ordonner que le prévenu sera traduit à sa barre. Après qu’il aura été entendu, ou dûment appelé, elle le condamnera, s’il y a lieu, aux peines portées par les lois. La décision sera exécutée sur l’ordre du président de la Chambre. »
Dans le courant du mois de décembre 1826, le Journal du Commerce publia deux articles contenant une appréciation sévère de la conduite et de l’esprit de la Chambre des Députés. Toutefois, suivant l’opinion de plusieurs orateurs et écrivains politiques, le caractère de ces articles n’était ni plus rigoureux, ni plus hostile que celui de beaucoup d’autres, insérés dans des feuilles de couleurs opposées.
L’ouverture des Chambres législatives eut lieu le 31 janvier 1826, et le 20 février suivant M. le comte de Sallabéry développa une proposition tendant à faire mander à la barre de la Chambre des Députés l’éditeur du Journal du Commerce, comme coupable d’offense envers l’un des trois pouvoirs de l’État,
Malgré l’opposition éloquente de plusieurs membres du côté gauche, parmi lesquels il faut citer MM. Royer-Collard, Benjamin, Constant, Méchin, Sébastiani, la Chambre adopta la proposition. S’occupant ensuite du mode de procéder, qui n’avait été nullement réglé par la loi, elle décida que le prévenu serait assisté d’un conseil, et que le jugement de la Chambre serait rendu au scrutin secret. Divers autres incidents s’élevèrent encore la veille même de la séance.
Le 1er mars, le sieur Cardon, éditeur du journal inculpé, comparut, assisté de M. Barthe, dont la plaidoirie habile produisit une vive impression dans la Chambre et hors la Chambré.
Néanmoins le dépouillement du scrutin offrit en résultat 213 boules blanches pour la condamnation, et 139 pour l’absolution. On agita ensuite la question de la peine à infliger. Quoique l’éditeur se trouvât dans le cas de récidive, la Chambre se prononça pour le minimum, à la majorité de 87 voix. L’éditeur du Journal du Commerce fut donc condamné à cent francs d’amende et à un mois de prison.
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