LA FRANCE PITTORESQUE
1er mars 1678 : conférence entre Bossuet et Claude
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Publié le jeudi 1er avril 2010, par LA RÉDACTION
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En France, le catholicisme et la réforme s’étaient déjà mesurés corps à corps au colloque de Poissy et à la conférence de Saumur : la première de ces joutes n’avait été qu’un assaut d’éloquence entre le cardinal de Lorraine et Théodore de Bèze (voy. 9 Septembre 1561) ; dans la seconde, le cardinal Duperron remporta un trop facile avantage sur le guerrier-théologien Duplessis-Mornay. A leur tour, mais avec des forces plus égales, Bossuet et Claude se présentèrent dans la lice. Voici quels furent le prétexte et le résultat du défi.

Bossuet Venait de publier son livre de l’Exposition de la foi catholique : trois ministres protestants s’empressèrent de le réfuter. L’évêque de Meaux répondit aux deux premiers et convertit le troisième. Pendant les débats qu’excita cette controverse, mademoiselle de Duras, sœur des maréchaux de Duras et de Lorges, élevée dans le protestantisme, lut le livre du saint prélat, et conçut des doutes, qu’elle communiqua au ministre Claude. Celui-ci se fit fort de les dissiper même en présence de Bossuet. Les deux athlètes se réunirent chez la comtesse de Roye, et là, devant un auditoire peu nombreux, mademoiselle de Duras les pria d’établir la discussion sur l’autorité de l’Eglise. Bossuet soutint que le dogme de son infaillibilité était si nécessaire que ceux-là mêmes qui le niaient en spéculation, l’adoptaient dans la pratique. La conférence dura cinq heures, et le lendemain mademoiselle de Duras déclara au défenseur du catholicisme que ses arguments l’avaient convaincue. Vers la fin du mois elle abjura, dans l’église des Pères de la doctrine chrétienne, entre les mains du prélat victorieux.

Les actes de cette conférence ne devaient pas voir le jour : l’indiscrétion d’un ami força l’évêque de Meaux à faire imprimer sa relation : de son côté le ministre publia la sienne, et toutes deux offrirent de notables différences. Bossuet se plaignit du bulletin rédigé par Claude avec la hauteur que devaient lui inspirer son caractère et son succès. Du reste, il rendit justice au mérite de son adversaire. « C’était un homme, écrivit-il, qui écoutait patiemment, qui parlait avec netteté et force, qui poussait les difficultés jusqu’aux dernières précisions. » Il ajoutait que Claude défendit sa cause avec tant de subtilité et d’adresse, qu’il l’avait fait trembler pour ceux qui écoutaient, (voy. 13 Janvier 1687, Mort de Claude.) Le livre de Bossuet ne manqua pas non plus d’approbateurs. Bayle déclare « qu’il est certain que M. Bossuet avait soutenu cette affaire en très habile homme, et que son livre se soutiendra lors même que les circonstances qui l’ont fait naître auront été mises en oubli. »

Malgré le talent déployé par les deux docteurs, on sent l’inutilité d’une pareille lutte. La grande querelle des croyances religieuses ne se videra jamais en champ clos : au lieu de la terminer, le combat la ranime.

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