Le combat d’Arnay-le-Duc, où le futur Henri IV, alors seulement prince de Béarn, obtint pour la première fois la permission de manier les armes, fut suivi de la paix de Saint-Germain (1570), paix funeste et perfide, qui cachait l’avenir le plus affreux. C’était la troisième paix favorable aux huguenots : on la nomma la paix boiteuse et mal assise, parce qu’elle avait été conclue par les sieurs de Biron et de Mesmes, dont l’un était boiteux et l’autre portait le nom de la seigneure de Malassise.
Le mariage du jeune prince et de Marguerite, sœur de Charles IX, ayant été résolu, Henri vint à la cour de France (1572) ; il y arriva entre la mort de sa mère, qui passait pour avoir été empoisonnée, et l’assassinat de l’amiral, manqué par le tueur du roi. Tel fut le sinistre début d’un séjour ou plutôt d’une captivité de quatre ans, que la Saint-Barthélemy devait bientôt couvrir de ses ombres sanglantes.
Henri de Navarre, futur Henri IV |
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Durant cette longue et dangereuse période, Henri se conserva ferme et pur au milieu des intrigues, des vices et des crimes de la cour la plus corrompue. Il évita presque tous les pièges, excepté ceux que l’astucieuse Catherine tendait à son cœur trop facile. En ménageant ses tyrans, il songeait à s’affranchir de leur joug, et préparait secrètement sa fuite.
Une première évasion avait été méditée du vivant de Charles IX, entre le roi de Navarre et le duc d’Alençon, frère du roi de France ; mais ce dernier s’étant dénoncé lui-même, les deux princes furent arrêtés et constitués prisonniers dans leur appartement. Un procès s’instruisit ; Lamole, Coconas et Tourtray eurent la tète tranchée, parce que cette exécution entrait dans la politique de Catherine. Quand le chancelier Birague, environné de plusieurs commissaires, se présenta pour interroger le roi de Navarre : « Je suis roi, lui répondit-il ; je n’ai rien à vous répondre : je ne souillerai point le nom de roi en subissant un interrogatoire ; mes amis ont été égorgés sous mes yeux. J’ai voulu fuir ; je n’ai point de complices ; je donne des ordres à mes serviteurs ; je ne séduis, je ne trahis personne ; continuez vos procédures, je n’y prends aucune part. Le parlement de Paris doit réfléchir avant d’instruire le procès d’un roi. » II réfléchit en effet : Birague, qui avait conseillé la Saint-Barthélémy, recula devant cette fière réponse, et Catherine parut ébranlée. A peu près dans le même temps, Charles IX vint à mourir. (voy. 30 Mai 1575. )
L’année suivante, Henri, toujours surveillé, mais avec moins de rigueur, reprit ses projets d’évasion. Plusieurs seigneurs catholiques, irrités de la faveur des mignons, s’engagèrent à aider et même à accompagner le roi de Navarre. Une indiscrétion de l’un d’eux compromit sa fuite : quelques-uns l’abandonnèrent. Henri déclara qu’il mourrait plutôt que de revenir sur ses pas. Il se retira d’abord à Alençon, puis il se rendit à La Rochelle. Après avoir franchi la Loire, il dit en poussant un profond soupir : « Dieu soit loué, qui m’a délivré ! On a fait mourir la reine ma mère à Paris ; ony a tué M. l’amiral et tous nos meilleurs serviteurs : on n’avait pas envie de me mieux faire, si Dieu ne m’avait gardé ; je n’y retourne plus, si on ne m’y traîne. » (Journal de l’Étoile, 3 février 1576)
A peine retiré parmi les calvinistes, Henri se hâta d’abjurer une croyance qu’on lui avait imposée par force. Il n’eut qu’à se montrer pour reconquérir le Béarn, ainsi qu’une partie de la Guyenne. Henri III se vit contraint de signer avec le duc d’Alençon, qui lui faisait aussi la guerre, une paix négligeant les intérêts du roi de Navarre. Le duc de Guise se mit à la tête des catholiques mécontents, et la Ligue prit naissance.
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