Napoléon est le personnage de l’histoire de France dont la légende semble le mieux résister au temps et à l’entreprise systématique de déboulonnage des grands hommes. Mais la légende n’a-t-elle pas masqué la réalité ? Derrière le héros, connaît-on toujours l’homme, qui n’a pas échappé à une « légende noire », tissée de son vivant ?
Même si l’on compte sans doute plus de livres et d’articles sur Napoléon qu’il ne s’est écoulé de jours depuis sa mort, et que la Cinémathèque de Lausanne a recensé plus de mille films consacrés à l’épopée impériale, le personnage ne cesse de fasciner. Aussi est-il plus que jamais nécessaire de trier dans cette abondance le bon grain de l’ivraie.
Le centenaire de la mort de Napoléon en 1921 est célébré sans grand éclat. Déjà se réveillent des courants hostiles. À droite, les attaques viennent de Maurras, dans Jeanne d’Arc, Louis XIV, Napoléon, puis de Léon Daudet et surtout de Jacques Bainville qui conclut sa biographie de l’Empereur en 1931 par ces lignes : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût probablement mieux valu que Napoléon n’eût pas existé. » C’est l’usurpateur du trône et le porteur des valeurs de la Révolution française qui est condamné.
Napoléon. Vérités et légendes, par Jean Tulard. Éditions Perrin
À gauche, en dehors de l’Histoire socialiste dirigée par Jaurès, on s’inspire de la vie de Napoléon racontée par l’historien russe Tarlé, dont l’ouvrage est barde de citations de Marx et de Lénine. L’intérêt pour Napoléon décline ensuite. Le gouvernement de Vichy le récupère un moment pour sa propagande antibritannique, en condamnant les conditions de sa captivité à Sainte-Hélène, encore plus noircie que dans le Mémorial.
En mai 1968, la Sorbonne est occupée aux cris de « À bas l’Université napoléonienne ! »› et la Nouvelle Histoire condamne la biographie et donc les ouvrages sur Napoléon. Mais le bicentenaire de la naissance de l’Empereur est célébré dans une sorte d’unanimité à laquelle se joint le parti communiste, Marx ayant affirmé que Napoléon avait eu le mérite de détruire la vieille féodalité allemande. À Ajaccio, le 15 août 1969, le président de la République Georges Pompidou prononce un grand discours qui semble vouloir apaiser les tensions. Il se trompe. Napoléon n’a pas fini de diviser les Français et son image déjà brouillée devient encore plus confuse.
À partir de 2000, les bicentenaires se succèdent apparemment sans problème : Conseil d’État, Légion d’honneur, Cour des comptes... Mais en 2005, pour l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz, le président de la République, Jacques Chirac, prend ses distances. Il rappelle que Napoléon a rétabli l’esclavage en 1802. Jusqu’alors l’argument avait été peu utilisé par la légende noire.
Il rebondit aujourd’hui et ouvre de nouveaux débats. Une nouvelle fois Napoléon divise les Français. Le bicentenaire de sa mort en 2021 se déroule, malgré une belle cérémonie sous la Coupole de l’Institut, au milieu de tensions. Néanmoins, il n’est jamais paru entre 2021 et 2023 autant de livres sur Napoléon qui continue de fasciner. On n’en finit jamais avec lui.
Mais quel Napoléon ? Il revenait naturellement à Jean Tulard, sacré « maître des études napoléoniennes », la mission de distinguer le vrai du faux. Napoléon est-il un fauteur de guerres ? Celles-ci ont-elles causé la mort d’un million de Français ? A-t-il ruiné le pays ? La vente de la Louisiane constitue-t-elle une faute ? Est-il misogyne, esclavagiste et antisémite ? Se veut-il corse avant d’être français ? Joséphine a-t-elle joué un rôle important ? A-t-il été empoisonné à Sainte-Hélène ? Est-il l’ancêtre des dictateurs ?
INFORMATIONS PRATIQUES :
Napoléon. Vérités et légendes, par Jean Tulard. Éditions Perrin
288 pages. Format : 12,2 x 19,2 cm. 14 euros
ISBN : 978-2262106614. Paru en mars 2025
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