LA FRANCE PITTORESQUE
François Chifflart & Victor Hugo
Fantasme noir
(Source : Musée Sandelin (Saint-Omer))
Publié le mardi 17 juin 2025, par Redaction
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L’exposition, qui regroupe 190 œuvres de François Chifflart, prend la forme d’une grande rétrospective itinérante sur la vie et l’œuvre de cet artiste indomptable qu’a été le graveur et illustrateur audomarois et qui a su révéler tout son génie dans le noir et blanc à travers la gravure. Elle met également en avant l’influence de Victor Hugo sur la production picturale de François Chifflart et l’admiration mutuelle que ces deux artistes se portaient.
 

Peintre d’histoire, maître de l’eau-forte, épris d’idéal en art autant qu’en politique, François Chifflart a connu un parcours atypique, entre espérance et désillusion, où le succès le dispute à l’échec. Bien que distingué par le Prix de Rome en 1851, et malgré le succès des deux grands fusains qu’il présente au Salon de 1859, Chifflart peine à se faire connaître et publie comme moyen de communication novateur un album de ses œuvres regroupant gravures et photographies.

En 1867, on lui confie l’illustration des Travailleurs de la mer. Admirant profondément Victor Hugo, il s’enflamme pour ce projet et se rend à Guernesey. Cette rencontre va être l’événement majeur de sa vie et sera suivie d’une longue correspondance, de dons d’œuvres ainsi que d’autres commandes d’illustrations qui font de lui le peintre le plus imprégné de l’œuvre du poète dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Affiche de l'exposition François Chifflart & Victor Hugo – Fantasme noir
Affiche de l’exposition François Chifflart & Victor Hugo – Fantasme noir

Esprit indocile et sans concession, Chifflart est un artiste isolé et vit grâce à ses eaux-fortes, ses dessins pour la presse et ses illustrations. Restant attachée aux thèmes et à l’ambition de la peinture d’histoire, sa peinture a souvent été mal comprise bien qu’admirée par ses contemporains : Victor Hugo, Théophile Gautier ou Charles Baudelaire.

Le parcours chronologique de l’exposition est constitué de 9 sections.

Section 1. De Saint-Omer à Paris : les débuts d’un peintre prometteur
François Chifflart naît en 1825 dans une famille d’artisans de Saint-Omer ayant contribué à l’embellissement de la ville. Il montre très tôt un grand talent pour le dessin et la peinture à l’école d’art municipale. Cela lui permet de partir à Paris en 1842, à dix-sept ans, pour se former.

Il intègre l’École des Beaux-Arts deux ans plus tard et fréquente l’atelier de Léon Cogniet durant six ans, dont il devient l’élève préféré. En 1851, il expose Périclès au lit de mort de son fils au Salon et obtient la consécration : le Grand Prix de Rome. L’ « enfant du peuple », soutenu financièrement par sa ville natale depuis 1845, s’installe à la villa Médicis de Rome le 1er janvier 1852.

Périclès au lit de mort de son fils. Huile sur toile de François Chifflart (1851)
Périclès au lit de mort de son fils. Huile sur toile de François Chifflart (1851).
© Musée Sandelin, Saint-Omer

Section 2. De Rome à Paris, la carrière éphémère d’un peintre indomptable
À Rome, la véritable nature du brillant élève se révèle. Il découvre Raphaël et surtout Michel-Ange, dont la fougue imprègne les œuvres qu’il envoie à Paris. L’Académie s’en offusque tandis que la critique décèle en lui « une individualité très exceptionnelle ». Lorsqu’il quitte l’Italie en décembre 1856, sa personnalité artistique et son refus de sacrifier son originalité sont déjà fermement ancrés.

Sans soutien de l’État, c’est hors des circuits officiels qu’il doit se faire connaître. Aussi publie-t-il avec Alfred Cadart, son beau-frère, un album d’estampes et de photographies de ses œuvres. L’ambition d’embrasser une carrière de peintre d’histoire ne le quitte pas. Au Salon de 1863, il présente David vainqueur, Ville conquise et Combat (La Bataille de Cannes). Sans commandes, il se résigne à exécuter des tableaux de chevalet.

Section 3. L’eau-forte, refuge salutaire
Au milieu des années 1860, le peintre insatisfait découvre l’eau-forte (procédé de gravure en taille-douce sur une plaque métallique à l’aide d’un acide). Sa proximité avec Alfred Cadart, qui en fut le plus ardent défenseur, explique que Chifflart ait cédé à ce procédé remis à l’honneur auprès des peintres.

Membre de la Société des aquafortistes, il participe à ses livraisons, mais se fait surtout remarquer par la suite de quinze planches publiées en 1865 sous le titre d’Improvisations sur cuivre, dans lesquelles s’exprime la dualité de sa personnalité, « classique par l’éducation, romantique par le tempérament ».

Section 4. La rencontre du peintre avec Hugo et la littérature
Républicain et fervent admirateur de Victor Hugo, François Chifflart reçoit en 1867 la commande de l’illustration complète des Travailleurs de la Mer, aujourd’hui considérée comme l’une des meilleures œuvres de Hugo. Le peintre se rend alors à Guernesey, où l’écrivain lui montre ses dessins et tous deux ont de longues conversations. Enflammé par ce projet et son admiration, Chifflart fournit un important travail, mais l’édition populaire réalisée à moindre coût et pauvrement imprimée gâchera son œuvre.

Portrait de Victor Hugo vers 1868, par François Chifflart
Portrait de Victor Hugo vers 1868, par François Chifflart.
© Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey / Paris Musées

En 1869, il reçoit la commande de douze eaux-fortes pour illustrer une nouvelle édition de la Chanson de Roland. Dessins préparatoires et états intermédiaires témoignent de la genèse de ce travail perturbé en 1870 par le siège de Paris. Le graveur Valentin Foulquier est chargé par l’éditeur d’achever les planches de Chifflart.

Section 5. Un témoin de la Commune
Mobilisé en 1870 lors du Siège de Paris, François Chifflart suit son régiment qui se fédère lors de la Commune. Il traduira la violence des combats dans ses dessins pour la presse illustrée. Ces événements interrompent son travail pour la Chanson de Roland publiée en 1872. Cette nouvelle déconvenue ajoutée aux horreurs de la guerre perturbe profondément l’artiste. Arrêté par les troupes versaillaises à l’issue de la Commune, il est rapidement libéré car considéré comme fou et se réfugie à Arras.

Section 6. Le paysage : nostalgie italienne
Tout au long de sa carrière, Chifflart a peint ou gravé des paysages. Comme un miroir inversé de ses scènes historiées sombres et torturées, ceux-ci sont à peu près vides de présence humaine, respirent le calme et le repos. Qu’ils soient italiens ou français, ses paysages semblent tous baigner dans une lumière méditerranéenne dont il a gardé le souvenir nostalgique. De 1874 à 1879, Chifflart habite à Montmartre, une colline encore largement sauvage à l’époque et réalise une série d’eaux-fortes représentant quelques vues du village, des carrières et des chemins poudreux.

Section 7. Dernières confidences gravées
Chifflart séjourne quelques années à Arras, où il trouve une forme de tranquillité et bénéficie du soutien de plusieurs mécènes. Il retourne à Paris en 1874 et retombe rapidement dans la misère. C’est à ce moment que décède son beau-frère, Alfred Cadart. Sa sœur, Célonie, qui prend la succession de son mari, lui confie des frontispices pour les albums annuels L’Illustration nouvelle et L’Eau-forte. Chifflart ne se consacre plus guère qu’à la gravure. En 1876, il grave une nouvelle série d’improvisations réunies sous le titre de Caprices, folies, travers, eaux-fortes, improvisations. Il s’y représente de manière répétitive en proie à ses obsessions et à ses tourments.

L'attaque de Notre-Dame de Paris par les truands. Illustration de François Chifflart pour Notre-Dame de Paris dans l'Édition Hugues, vers 1876-1877
L’attaque de Notre-Dame de Paris par les truands. Illustration de François Chifflart pour Notre-Dame
de Paris dans l’Édition Hugues, vers 1876-1877. © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey / Paris Musées

Section 8. Ultimes chefs-d’œuvre dans l’ombre de Hugo
Chifflart se voit confier, à partir de 1876, des commandes pour l’édition illustrée des œuvres complètes de Victor Hugo, dite « édition Hugues ». Ce ne sont que des dessins épars pour Notre-Dame de Paris, Histoire d’un crime, Napoléon le Petit, Actes et paroles. Mais c’est surtout La Légende des siècles qui lui offre l’occasion de ses derniers chefs-d’œuvre. Ses cinq grandes feuilles, hors d’échelle pour la reproduction, sont autant des œuvres indépendantes que des projets d’illustration. Il réunit l’illustrateur et le peintre en une ultime tentative de revivifier la peinture d’histoire par une inspiration contemporaine et un nouveau souffle épique et lyrique, puisés chez Victor Hugo. Mais ce dernier éclat reste sans suite.

Section 9. La fin d’un artiste retiré (1885-1901)
Pauvre et de plus en plus isolé, Chifflart voit disparaître ses derniers soutiens autour de 1890 ; il crée de moins en moins et sombre dans l’oubli. Il souffre des disparitions successives. Fortement affaibli, une congestion pulmonaire l’emporte le 19 mai 1901. Sa mort donne lieu à des hommages et plusieurs rétrospectives sont organisées entre 1901 et 1908.

Renseignements pratiques
Exposition François Chifflart & Victor Hugo – Fantasme noir
Musée Sandelin — 14 rue Carnot — 62500 Saint-Omer
Jusqu’au 28 août 2025
Sites Internet : https://www.musees-saint-omer.fr
Page Facebook : https://www.facebook.com/MuseeSandelin/

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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