Il faut noter quelquefois les occasions où le grand art de la guerre sacrifie inutilement la vie des hommes. Kehl était une place démantelée, sans consistance ; l’archiduc Charles commit la faute de vouloir s’en emparer, et cet avantage, qu’il finit par obtenir, prépara les revers qu’essuya l’Autriche dans la campagne suivante.
Moreau, Desaix, Gouvion-de-Saint-Cyr, Lecourbe et plusieurs autres généraux employèrent leur courage et leur talent à défendre cette masure, sur laquelle les armées de Sambre-et-Meuse, de Rhin-et-Moselle s’étaient appuyées dans leur retraite,
Kehl ne se rendit qu’après cinquante jours de tranchée ouverte et cent quinze jours d’investissement. Les Autrichiens avaient consommé quatre-vingt-treize mille boulets, trois mille boîtes à mitraille, et trente-mille bombes ou obus ; ils avaient perdu plus de dix-huit mille hommes, tant par le fer que par les maladies.
La capitulation n’accordait que vingt-quatre heures aux Français pour enlever l’artillerie et les munitions : ils y mirent tant d’ardeur qu’ils ne laissèrent pas une fascine ni un e’clat de bombe ; tout fut recueilli et ramené sur la rive gauche duRhin. Desaix avait donné l’exemple en arrachant le premier une palissade et en la chargeant sur ses épaules. Les soldats disaient qu’ils n’e’vacuaient pas le fort, niais qu’ils emportaient le fort même.
L’archiduc Charles, en entrant dans Kehl, ne trouva qu’un amas de décombres. Il n’avait pris aux Français qu’une position sans valeur, et il avait perdu le moment favorable pour passer les Alpes et délivrer Mantoue. (voy. 1er Janvier 1797.)
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