LA FRANCE PITTORESQUE
GRENOBLE en 100 dates
(par Jean-Pierre Martin)
Publié le mercredi 16 juillet 2014, par Redaction
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Résumer une existence bimillénaire en 100 dates relève de la gageure. L’existence de Grenoble est avérée depuis l’année - 43, sous la plume du légat Munatius Plancus. Autant dire que chacune des dates, si encore elles étaient équitablement réparties, recouvrirait une période de vingt années, pratiquement une génération.

La sélection des dates est un autre défi. A quel titre celle-ci plutôt que celle-là ? Par ailleurs, surtout dans les temps anciens, on ne tenait pas d’agenda, et bien savant qui peut dater précisément l’arrivée des Allobroges, le siège de la ville par les Lombards, ou le sac de la région par les Sarrasins. Plus fondamentalement, l’histoire n’est pas faite de dates, mais de durée. La date s’oppose au temps long, qui est le véritable souffle de l’histoire. Si l’on réfléchit à la nature des acteurs de l’histoire, on pourrait en distinguer trois. Tout d’abord, il y a l’État, avec ses deux modes de domination, la politique et la guerre.

Ensuite, il y a l’Église, dont le poids est décisif dans l’évolution des sociétés, mais qui a longtemps monopolisé la science historique. Que l’on songe à Grégoire de Tours et Isidore de Séville pour les temps les plus reculés ou Alcuin pour l’époque carolingienne ! Enfin, il y a le peuple qui, lui, reste étrangement silencieux. Il ne connaît pas les batailles, sinon pour les subir, et il a tout à craindre à vouloir changer de religion. La glèbe ne connaît pas les dates. Elle n’a pas de calendrier. Elle vit au rythme des saisons, au son de la cloche de l’église. Peu lui importe cette idée saugrenue de vouloir quantifier le temps. La naissance des princes est consignée par les chroniqueurs, mais la mort des gueux reste anonyme et ne laisse pas plus de trace que leur existence.

Parfois, ces gens de peu, paysans, artisans, boutiquiers, considèrent que ce qui est habituel est devenu, tout à coup, insupportable. Alors ils se révoltent, et c’est une émotion populaire qui, elle, défraye la chronique. Et ça devient une date ou un événement. Et ils se découvrent un nom, les Jacques, les maillotins, les nu-pieds, les camisards, les chouans. Et ça devient le 14 juillet. Mais pour longtemps encore ces oubliés de la chronologie resteront aussi les oubliés de l’histoire. Devions-nous pour autant renoncer à l’entreprise au prétexte qu’elle ne serait pas équitable ? Et qu’elle ne se reconnaîtrait que comme un piètre reflet d’une réalité bien plus complexe que les vicissitudes d’un calendrier ?

Acceptons quand même l’idée que ces repères du temps que sont les dates peuvent nous dire quelque chose du passé, comme les os fossilisés apprennent au paléontologue quelque chose des espèces disparues. Le lecteur pourra, avec sa culture et son imagination, ajouter de la vie et de l’âme autour de cette éphéméride. Les dates sont comme les fleurs des champs. On peut en cueillir à pleines brassées. On n’épuise pas le champ. Elles en sont les ornements sans en être la substance. Alors, osons donc écrire l’histoire de Grenoble en 100 dates.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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