Livre histoire ÎLES NORMANDES (LES). Pays de home rule par G.-A. Robinet de Cléry

Il y a plus de mille ans, un cataclysme effroyable s’est déchaîné. Des masses rocheuses sont devenues des îles et la configuration du continent a été profondément modifiée. Des pirates qui venaient du nord transformèrent toute cette partie du monde civilisé. Les Normands n’expulsèrent pas les habitants, mais prirent tout ce qu’il y avait de bon et s’établirent en seigneurs. Ils fixèrent l’empreinte de leur caractère, mais, chose étrange, ils perdirent leur langue et prirent celle du peuple vaincu. Les écumeurs de mer firent de l’île de Serq leur domaine.

Les cavernes du Gouliot, grottes immenses, inaccessibles à marée haute, leur servaient de magasins et la terreur qu’ils inspiraient est attestée par la plume de Rabelais : « N’y descendez pas, de grâce », conjurait Panurge à Pantagruel. Le traité de Saint-Clair-sur-Epte donna à Rollon, avec la Normandie, toutes les îles qui en dépendaient. Il laissa de son gouvernement des souvenirs qui ne se sont pas effacés. La clameur de Haro, abolie par les États de Normandie en 1583 n’a pas disparu de la procédure devant les cours royales de Jersey et de Guernesey. En 1870, un propriétaire qui avait épuisé toutes les juridictions, obtint grâce à elle la déviation de la ligne de chemin de fer, le jour même de son inauguration. Lorsque Philippe Auguste réunit la Normandie à la couronne de France, les îles passèrent au pouvoir du roi d’Angleterre.

Elles conservèrent cependant le statut d’un reste du duché de Normandie détaché et distinct du royaume, le souverain n’y ayant à proprement parler que le titre de duc. Les premières conversions au protestantisme de ces populations autrefois catholiques eurent lieu sous l’influence des refugiés français. Les protestants étaient en effet nombreux dans le diocèse de Coutances et, forcés d’émigrer, ils furent accueillis à Jersey, fondèrent des chapelles...