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Légendes, croyances, superstitions. Pont des Fées sur la Vologne et chasseur de Gérardmer dans une forêt vosgienne (Lorraine)

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Légendes, Superstitions
Légendes, superstitions, croyances populaires, rites singuliers, faits insolites et mystérieux, récits légendaires émaillant l’Histoire de France
Maudit Pont des Fées
enjambant la Vologne (Vosges)
(D’après « Le Pays lorrain », paru en 1908)
Publié / Mis à jour le mercredi 29 août 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Une légende vosgienne affirme qu’un chasseur de Gérardmer bien fait de sa personne et promis, lui avait-t-on assuré, à un radieux destin s’il ne se laissait pas séduire par quelque femme que ce fût, se laissa un jour bercer, sur les bords de la Vologne, par le baiser d’une ondine aux yeux vert d’eau, aux lèvres de corail et à la voix enchanteresse...

Il y avait une fois, dans le pittoresque pays des Vosges, à Gérardmer, un chasseur si beau, si séduisant et si admirablement bien fait, qu’il n’était ni femme, ni fille, qui ne fût charmée par lui. Il poursuivait les animaux les plus sauvages, méprisant les dangers, heureux si quelque cerf ou quelque sanglier tombait sous ses coups. Dès le matin, alors que la fraîche aurore apparaissait, traversant ronces et broussailles, humides de rosée, il partait, toujours au guet, ne manquant jamais sa bête.

Et ainsi tout le jour. Il rentrait dans sa chaumière (car il habitait une chaumière et non un palais, étant aussi pauvre que beau), le soir, quand, depuis plusieurs heures déjà, la nuit était tombée, et à vingt-cinq lieues à la ronde on parlait de son courage, de ses prouesses. On achetait son gibier, qui lui rapportait gros, mais il avait huit petits frères et huit petites sœurs, pour qui il dépensait ce qu’il gagnait, voulant qu’ils ne manquassent de rien. Il se privait parfois même de nourriture, content si ceux qu’il aimait, avaient ce qu’il leur fallait. Il avait promis à ses parents, au moment où ils étaient morts, de prendre soin des seize marmots.

Le Pont des Fées sur la Vologne, aux environs de Gérardmer (Vosges)

Le Pont des Fées sur la Vologne, aux environs de Gérardmer (Vosges)

Tuant beaucoup de gros gibier, il s’habillait de peaux, et ce costume seyait à ravir à sa mâle beauté. Aussi, bien des filles eussent-elles été heureuses de l’avoir pour époux, car, comme nous l’avons dit plus haut, elles en étaient toutes folles. Mais, lui, ne les regardait même pas, n’en ayant ni le temps, ni l’envie, les trouvant toutes extrêmement laides.

D’ailleurs il y avait aussi une autre raison... Une vieille femme, que dans le pays on disait être une fée, qui s’était trouvée à sa naissance et qui était sa marraine, avait assuré qu’il serait beau et courageux et qu’il arriverait aux plus hautes distinctions, si, toutefois, il ne se laissait séduire par quelque femme que ce fût. Il connaissait la chose et se tenait sur ses gardes.

Un jour, que depuis l’aube il poursuivait une biche, qu’il n’avait pu atteindre avant midi, il se sentit si pris de fatigue, qu’il s’endormit sur les fougères, à l’ombre des grands arbres, au bord d’un torrent dont l’eau blanche et mousseuse tombait de cascade en cascade. Là, dans la forêt touffue, l’air était plein d’agrément. Un vieux pont, tout en roches construit, il y a des siècles et des siècles, par les mains agiles des fées, dit-on, en cet endroit joignait les versants des montagnes voisines. Les yeux fermés, le chasseur paraissait hanté de songes délicieux, et sa beauté avait un éclat resplendissant.

Il dormait, bercé par le chant des oiseaux et le clapotement de l’onde, quand il sentit, soudain, un baiser qu’on lui déposait sur la joue. Devant lui se présente le plus merveilleux spectacle qu’il ait jamais vu : une femme, plus belle que le jour, est là qui le regarde. Ses yeux sont vert de mer, ses joues sont incarnates et ses lèvres de corail. Ses cheveux blonds d’or tombent jusqu’à ses pieds, cachant à demi un corps admirable, où scintillent quelques gouttelettes d’eau irisée, semblables à des perles. Elle sourit au chasseur de l’air le plus aimable.

Ebloui par tant de charmes, il croit rêver encore. Les paroles s’arrêtent dans sa gorge, tellement il est occupé à la considérer !...

Mais elle s’approche, entoure de ses bras, blancs comme l’albâtre, le cou du jeune homme, et, d’une voix qui semble être une musique céleste, lui dit :
— O mon beau chasseur, pourquoi ne réponds-tu pas à mon baiser ?... Te fais-je peur ?... je suis celle qui te protège, et qui, par son génie, de loin veille sur toi, la nuit quand tu reposes, le jour, quand tu cours le bois, dont l’esprit te suit partout, et qui, sans cesse, écarte de toi tous maux !... Viens... Viens auprès de moi, ô mon beau chasseur !

Emu par ce discours, il se sent si vivement plein de feu, qu’il se met à genoux devant elle, et s’écrie :

— Oh non, toi qui es si belle et si aimable, je n’ai pas peur de toi, de toi qui sans cesse me protège, dis-tu, oh non, je n’ai pas peur de toi !...

Et il l’assure qu’il l’aime plus que lui-même, la serre avec ardeur sur sa poitrine et couvre ses mains de baisers. Elle le regarde en souriant, puis reprend :

— O mon beau chasseur, viens !... viens dans mon palais de cristal, où les années passent plus vite que les jours, où l’on vit heureux dans des plaisirs sans nombre et des joies sans fins, où il fait toujours beau, où l’on est toujours tranquille, dans mon palais de cristal, viens, ô mon beau chasseur !...

Elle l’embrasse, le caresse, le serre plus fort dans ses bras. Séduit, il se laisse faire, et peu à peu s’abandonne. Ils roulent, tous deux, enlacés, sur la mousse, puis sur le chemin. Elle l’entraîne jusqu’au bord du torrent... Déjà ils touchent les algues vertes. Elle l’embrasse, l’embrasse encore, puis, soudain, le sentant en sa toute puissance, rit aux éclats, et le précipite, avec elle, dans l’eau profonde !...

Le chasseur avait poussé un grand cri, le torrent avait fait entendre un sourd mugissement, qui avait retenti bien loin dans la montagne. Puis, tout redevint calme : l’eau blanche continua à tomber de cascade en cascade, les oiseaux à chanter et les vieux sapins à être doucement balancés par le vent...

Le Pont des Fées

Le Pont des Fées

Jamais le chasseur ne revint dans sa chaumière, où ses huit petits frères et ses huit petites sœurs sont morts de faim. Mais on parle toujours de lui dans le pays. Une crainte superstitieuse s’attache à l’endroit où il a disparu. Depuis on n’y passe plus qu’en tremblant, et durant les longues soirées d’hiver, à la veillée, dans les pauvres cabanes, les vieilles femmes racontent aux petits enfants étonnés, l’histoire du jeune chasseur, devant les cheminées allumées.

Eux, sont pris de peur, à ce récit, car on leur assure que parfois, à minuit, les antiques échos des vertes forêts des Vosges, répercutent encore les cris effrayants que le chasseur pousse du fond des eaux, ou qu’encore on entend sortir de dessous les ondes des chants d’amour d’une mélodie divine, où s’emmêlent dans une harmonie suave, la voix forte et mâle de celui qui n’est plus et la voix enchanteresse et tendre de l’ondine aux yeux vert d’eau et aux lèvres de corail...

Moralité :

Tout conte doit avoir en soi moralité,
Afin que notre esprit en ait leçon plus ample,
Ainsi que dans Peau d’Aire, ou dans le Chat Botté,
Ce bon Monsieur Perrault nous en donne l’exemple.
Adonc, il vous siéra, de cet écrit, tirer
La leçon, qu’il ne faut, jamais, à sa marraine
Désobéir en rien, pour ne pas attirer
Sur soi de grands malheurs : c’est là chose certaine !
Puis, qu’il est dangereux de se laisser tenter
Par les offres de qui, cherchant à vous séduire,
Du charme de ses yeux a su vous enchanter.
Avant qu’il fût longtemps il pourrait vous en cuire ;
Car si, dans les transports de ces primes instants,
Votre cœur est rempli de doux chants d’allégresse,
Vous compterez, hélas ! de plus nombreux moments
Où la douleur fera crier votre détresse.

 
 
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