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Coutumes et traditions. Pénalités, supplices et tortures. Question préparatoire, préalable, par l'eau, estrapade, brodequins

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Sanctions pénales au Moyen Age,
question ordinaire ou extraordinaire
(D’après « L’ancienne France. La justice et les tribunaux », paru en 1888)
Publié / Mis à jour le dimanche 8 janvier 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
Durant les premiers siècles du Moyen Age chacun se rendait justice à soi-même : le fils tuait le meurtrier de son père, et, à défaut de fils, le, plus proche parent de la victime était son vengeur. Il y avait guerre entre les familles jusqu’à ce que le sang de l’agresseur eût été répandu. Il faut attendre le règne de Saint-Louis pour l’établissement de sanctions pénales empreintes d’un peu plus d’ « humanité », cependant que les aveux sont obtenus par la célèbre « question »...

La vengeance privée était le point de départ de la pénalité ; mais la cupidité des barbares ne tarda pas à introduire une habitude nouvelle, celle du rachat de la vengeance, et bientôt cette habitude devint une règle. Les Francs Saliens et Ripuaires formulèrent par écrit leurs coutumes, et le tarif de la plus légère offense, comme du plus grand crime, fut fixé.

Afin de contraindre le coupable à payer le prix du sang ou du dommage, l’autorité publique intervint : elle le força à donner la composition (wehrgeld) à l’offensé et enjoignit à celui-ci de la recevoir ; mais, en même temps, elle exigea de l’offenseur une certaine somme pour prix de la paix (fredum, fried) qu’elle lui accordait. Deux crimes seulement étaient considérés comme irrémissibles : la trahison et la lâcheté ; le traître était pendu et le lâche noyé.

Il arriva, cependant, un moment où l’on sentit qu’un crime privé portait atteinte à l’ordre social ; alors apparut la peine véritable. D’abord elle fut cruelle et même horrible ; le juge prenait fait et cause pour la victime et tirait vengeance du coupable. L’arbitraire le plus effrayant régna longtemps dans la pénalité, non seulement à cause de la grossièreté des mœurs et de l’ignorance générale, mais par suite des innombrables juridictions.

La question extraordinaire par l'estrapade

La question extraordinaire par l’estrapade. Extrait de Praxis criminalis persequendi de Millaeus (1541)

Saint Louis, frappé du dénuement de législation pénale dans lequel se trouvait son royaume, attribua une peine déterminée à chaque espèce de crime ou de délit, et adoucit, en outre, certains supplices. Toutefois, si l’on consulte ses Établissements, on est surpris de la rigueur de la pénalité. Ainsi, d’après ce code, on pendait les faux-monnayeurs, les meurtriers, les ravisseurs, les traîtres, les voleurs de grand chemin ; leurs cadavres étaient ensuite traînés par les rues, leurs biens confisqués, leur maison démolie et leurs terres ravagées.

On arrachait les yeux à ceux qui volaient dans les églises ; on brûlait vifs les hérétiques, les sorciers, les magiciens, les femmes criminelles ou coupables de vol. On coupait l’oreille pour un larcin de menus objets ; on perçait au fer rouge la langue des blasphémateurs. Et pourtant la législation du saint roi était un progrès sur le passé.

En abordant le sanglant domaine de la pénalité au Moyen Age, il faut d’abord parler de la question, qui pouvait être, selon les expressions consacrées, ou préparatoire ou préalable : préparatoire, quand elle avait pour but d’arracher à l’accusé l’aveu de son crime ou celui de ses complices ; préalable, quand elle constituait une aggravation de peine, que le condamné devait subir préalablement à l’exécution. capitale. On la qualifiait aussi ordinaire ou extraordinaire, suivant la durée ou la violence des tortures à infliger aux patients. Dans certains cas, la question durait cinq et six heures consécutives ; d’autres fois, elle ne dépassait guère une heure.

Hippolyte de Marsilli, docte jurisconsulte de Bologne, qui vivait au commencement du quinzième siècle, mentionne quatorze manières de donner la gehenne ou question. La compression des membres par des instruments spéciaux ou seulement avec des cordes ; l’injection d’eau, de vinaigre ou d’huile, dans le corps de l’accusé ; l’application de la poix bouillante ; la suppression totale des aliments et des boissons, tels étaient les procédés qu’on employait le plus fréquemment.

D’autres moyens, plus ou moins usités, selon le caprice du magistrat et aussi celui du bourreau, se faisaient remarquer par leur atroce singularité comme lorsqu’il s’agissait de placer sous les aisselles des œufs brûlants ; d’introduire entre cuir et chair des dés à jouer ; d’attacher des bougies allumées aux doigts, qui se consumaient en même temps que la cire ; de faire tomber de l’eau, goutte à goutte, d’une grande hauteur sur le creux de l’estomac, ou encore, et c’était là une torture indicible, disent les vieux criminalistes, d’arroser les pieds d’eau salée pour les faire lécher par des chèvres.

Du reste, .chaque pays avait des usages particuliers dans la manière de donner la question. En France aussi, la question différait selon les provinces, ou plutôt selon les parlements. Par exemple, en Bretagne, on approchait graduellement d’un brasier ardent le patient lié sur une chaise de fer ; en Normandie, on lui serrait un pouce dans un étau pour la question ordinaire, et les deux pouces pour l’extraordinaire. A Autun, après avoir fait chausser à l’accusé des espèces de hautes bottines de cuir spongieux, on le liait sur une table, qu’on approchait d’un grand feu, et l’on versait sur les bottines une quantité d’eau bouillante qui pénétrait le cuir et décomposait, en les calcinant, les chairs et même les os de la victime soumise à cette effroyable opération.

A Orléans, pour la question ordinaire, l’accusé étant mis à moitié nu, on lui liait avec force les deux mains derrière le dos, après avoir assujetti entre elles une clef de fer ; ensuite, au moyen d’une corde fixée à cette clef, on suspendait à une certaine hauteur le misérable, qui portait à son pied droit un poids de 180 livres. Pour la question extraordinaire, qui prenait alors le nom d’estrapade, on élevait, avec un treuil, jusqu’au plafond de la salle, le patient, dont les pieds étaient chargés d’un poids de 250 livres, pour le laisser brusquement retomber plusieurs fois de suite presque au niveau du sol, ce qui ne manquait jamais de lui disloquer bras et jambes. A Avignon, la question ordinaire consistait à suspendre l’accusé, par les poignets, avec de lourds boulets de fer à chaque pied.

Dans la question extraordinaire, fort usitée en Italie, sous le nom de veille, on étendait le corps de l’accusé à l’aide de cordes attachées à chacun des quatre membres, lesquelles correspondaient à autant de panneaux scellés au mur, et on ne lui donnait pour point d’appui que la pointe d’un poteau taillé en diamant, sur laquelle portait à vif l’extrémité inférieure de l’échine (apophyse du coccyx). Un médecin et un chirurgien étaient toujours là, tâtant le pouls aux artères temporales du patient, pour juger du moment où il ne pourrait plus supporter la douleur. Ce moment venu, on le détachait, on le ranimait par des fomentations chaudes, on lui administrait des fortifiants, et, dès qu’il avait repris ses sens avec un peu de forces, il était remis à la question, qui se prolongeait de la sorte pendant six heures consécutives.

A Paris, on donna longtemps la question par l’eau ; c’était à la fois la plus intolérable et la moins dangereuse pour le patient. Celui qui devait la subir était, comme pour la question précédente, attaché et soutenu en l’air par les quatre membres, jusqu’à ce que son corps fût bien étendu. On lui passait alors un tréteau sous les reins et, à l’aide d’une corne formant entonnoir, pendant qu’on lui serrait le nez avec la main pour le contraindre d’avaler, on lui versait lentement dans !a bouche quatre coquemars d’eau (environ 9 litres) pour la question ordinaire, et le double pour l’extraordinaire. L’exécution terminée, le patient était détaché « et mené chauffer dans la cuisine », dit un vieux texte.

La question par l'eau

La question par l’eau. Extrait de Praxis rerum criminalium de Damhoudère (1556)

Dans la suite, on employa de préférence les brodequins. Pour ce genre de tourment, on plaçait l’accusé assis sur un banc massif, et, après lui avoir fixé de fortes planchettes en dehors et en dedans de chaque jambe, on lui liait les deux jambes ensemble avec de grosses cordes ; puis on faisait entrer, à coups de maillet, entre les planchettes qui séparaient les deux jambes quatre coins en bois pour la question ordinaire, huit pour la question extraordinaire.

Il n’était pas rare, dans ce dernier cas, que les os des jambes éclatassent et que la moelle en jaillît. Quant aux véritables brodequins, dont souvent on se contentait de faire usage dans la question ordinaire, c’étaient des espèces de bas en parchemin, dans lesquels la jambe entrait assez aisément lorsqu’on les avait mouillés, mais qui, une fois qu’on les approchait du feu, en se rétrécissant, causaient des douleurs insupportables au porteur de ces « chaussures d’angoisse ».

A la question préparatoire présidait le tourmenteur juré, qu’il ne faut pas confondre avec le bourreau. Il faisait la dépense et les préparatifs nécessaires pour l’exécution par le feu ; il fournissait aussi le sac, les demi-lances ferrées sur lesquelles on exposait les têtes, les échelles du gibet, les chaînes de fer, etc.

Quel que fût, en somme, le mode employé pour donner la question, l’accusé, avant d’y être appliqué, devait être resté huit ou dix heures sans manger. Damhoudère, dans son fameux livre technique, intitulé Practique et Enchiridion des causes criminelles (1544), recommande, en outre, de raser entièrement tout le poil des accusés qui doivent être mis à la question, dans la crainte qu’ils ne portent sur eux quelque talisman propre à les rendre inaccessibles à la douleur corporelle.

Le même auteur donne encore pour règle, lorsqu’il y a plusieurs personnes « à mettre sur le banc », pour un même fait, de commencer par celles dont on peut espérer de tirer plus facilement une révélation ; ainsi, par exemple, quand un homme et une femme doivent subir la question l’un après l’autre, la femme sera tourmentée la première, comme étant plus faible et débile ; s’il s’agit du père et du fils, on torturera le fils en présence du père, « qui craint naturellement plus pour son enfant que pour soi-même ». On voit que les juges étaient experts dans l’art d’allier les tortures morales aux tourments physiques.

La coutume barbare de la torture fut à plusieurs reprises condamnée par l’Église. Dès l’an 866, on lit, dans la lettre du pape Nicolas Ier aux Bulgares, que leur usage de mettre à la torture les accusés est contraire à la loi divine comme à la loi humaine ; « car, dit-il, l’aveu doit être volontaire et non forcé. Par la torture un innocent peut souffrir à l’excès sans faire aucun aveu, et en ce cas quel crime pour le juge ! ou bien, vaincu par la douleur, il s’avouera coupable quoiqu’il ne le soit pas, ce qui charge le juge d’une iniquité non moins grande. »

Après avoir enduré la question préalable, dont les diverses opérations étaient accomplies par des tourmenteurs ou exécuteurs spéciaux, le condamné à mort était enfin livré au maistre des haultes œuvres, c’est-à-dire au bourreau, à qui revenait exclusivement la mission de faire passer les coupables de vie à trépas.

 
 
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