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C’est un Roger Bontemps. Origine, signification proverbe, expression populaire. Dictionnaire locutions

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Expressions, Proverbes
Proverbes et expressions populaires d’usage courant : origine, signification d’expressions proverbiales de la langue française
C’est un Roger Bontemps
Publié / Mis à jour le vendredi 24 mars 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 2 mn
 
 
 
Homme qui n’engendre point mélancolie et ne songe qu’à mener joyeuse vie

Il a été proposé pour cette expression proverbiale diverses étymologies. Voici tout d’abord l’avis de l’écrivain et poète Étienne Pasquier (1529-1615) dans ses Recherches de la France : « Je veux doncques dire que le Roger bon-temps que nous practiquons, pour dénoter l’homme de bonne chère, est ainsi dit par abus, au lieu de Rouge bon-temps : parce que ceste couleur au visage de toute personne promet je ne sçay quoy de gay et non soucié, comme au contraire la couleur blesme est ordinairement accompagnée d’une humeur fade et mélancholicque. » Mais cette opinion, pour soutenable qu’elle soit, n’est partagée par personne, et aucun livre ne l’a reproduite.

Le philologue Jacob Le Duchat (1658-1735) suit le même procédé que Pasquier. Il veut que le nom de Roger soit une altération, un travestissement du mot réjoui. Il est vrai que, dans plusieurs provinces, notamment dans l’Orléanais, on disait encore à la fin du XIXe siècle un réjoui Bontemps et non pas un Roger Bontemps ; mais cette expression semble être une redondance : Bontemps implique réjoui, ce qui fait que l’expression n’est bonne qu’avec Roger.

Roger Bontemps. Chromolithographie publicitaire du XXe siècle éditée par De Ricqlès et appartenant à la série Les Chansons. Dessin de Henry Gerbault (1863-1930)
Roger Bontemps. Chromolithographie publicitaire du XXe siècle éditée par De Ricqlès
et appartenant à la série Les Chansons. Dessin de Henry Gerbault (1863-1930)

Le dictionnaire de Trévoux (1771) reproduisant l’opinion émise par Fleury de Bellingen dans ses Illustres proverbes historiques, s’exprime comme ci-après sur l’origine du nom de Roger Bontemps : « Vient d’un seigneur nommé Roger de la maison de Bontemps, fort illustre dans le pays de Vivarais, dans laquelle le nom de Roger est toujours affecté et propre à l’aîné, depuis plusieurs siècles ; et parce que le chef de cette maison fut un homme fort estimé pour sa valeur, sa belle humeur et sa bonne chère, on tint à gloire en ce temps-là de l’imiter en tout, et plusieurs se firent par honneur appeler Roger Bon-temps : ce qui par corruption a été étendu à tous ceux qui passent la vie agréablement et sans souci. »

Mais il semble qu’aucun écrit français antérieur à l’avènement de François Ier au trône (1515) ait jamais fait mention du nom proverbial de Roger Bontemps. Or, comment ce nom pourrait-il être une allusion à un grand seigneur, chef d’une maison qui existait depuis « plusieurs » siècles en 1655, date de la publication des Illustres proverbes de Fleury de Bellingen ?

Enfin, une dernière étymologie, qui ressemble à la précédente, a été admise notamment par le grammairien Pierre-Marie Quitard (1792-1882) : « On a prétendu que la dénomination de Roger Bontemps concernait Pierre Roger, troubadour du XIIe siècle, chanoine d’Arles et de Nîmes, qui abandonna ses bénéfices pour aller, de cour en cour, jouer des comédies dont il était l’auteur. » Mais cette dernière explication est à repousser pour des raisons analogues à celles poussant à ne pas admettre la précédente.

Quel est donc réellement le personnage qui a valu le nom de Roger Bontemps à l’ancêtre de ceux que nous avons appelé plus tard des viveurs ? Il semble n’être autre que Roger de Collerye, qui fut prêtre et secrétaire de deux évêques d’Auxerre, Jean Baillet et François de Dinteville, à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, assez bon poète, mais meilleur gourmand.

Roger Bontemps. Aquarelle de Marcel Bloch (1882-1966)
Roger Bontemps. Aquarelle de Marcel Bloch (1882-1966)

Il chanta si bien le bon temps et personnifia si complètement en lui l’objet de ses plaintes, dit le philologue et médiéviste Francisque Michel (1809-1887) dans le deuxième volume de son Histoire des hôtelleries, cabarets, hôtels garnis, restaurants et cafés, et des anciennes communautés et confréries d’hôteliers, de marchands de vins, de restaurateurs, de limonadiers, etc., qu’on ne les sépara plus. Grâce à sa bonne humeur et au caractère joyeux de ses vers, le chanoine d’Auxerre perdit son nom de Collerye pour prendre celui de Bontemps, et comme son prénom de Roger lui resta toujours, on eut dans sa personne, complètement baptisé, le type encore vivant de la gaieté populaire, toujours franche, gaillarde, épanouie.

Cette étymologie, qui est celle de l’abbé Tuet et de l’abbé Leboeuf, a été consacrée en ces termes par le diplomate Antoine-René de Voyer d’Argenson de Paulmy (1722-1787) dans le tome 7 de ses Mélanges tirés d’une grande bibliothèque : « Roger de Collerye n’est vraiment illustre que parce que l’on assure que c’est lui qui est le véritable Roger Bontemps. Bontemps était en effet le sobriquet qu’il avait adopté, et sous lequel il se désignait dans ses poésies : il le justifiait par le genre de ses productions, toujours gaillardes, et même un peu libertines. »

Deux vers extraits des Œuvres de Roger de Collerye nous prouvent mieux encore que le nom du gai chanoine d’Auxerre (qui fut d’ailleurs président de la Société des fous) n’est nullement une appellation usurpée :

Or, qui m’aimera, si me suive,
Je suis Bontemps, vous le voyez.

 
 
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